07 novembre 2022

 

Le 25 juillet dernier, nous nous étions demandé « pourquoi se nuire ? » L’orientation de cette séance est différente. Elle pose la question de l’éthique et du choix. Elle suppose la réappropriation de son discernement.

Le primum-non-nocere fait partie du serment d’Hippocrate que doit prononcer le futur médecin. Ne pas nuire signifie en pratique appliquer son savoir avec esprit critique, prudence, bienveillance.

Si nous prenons l’exemple d’un premier entretien, nous savons qu’il est indispensable de disposer du temps et de la tranquillité nécessaire. Nous avons à nous brancher à l’état de réceptivité de chaque patient pour créer une condition favorable à la relation en nous limitant à des informations utiles. Pour y parvenir, le naturel est requis. L’objectif est de donner aux patients l’envie d’aller plus loin et de s’investir dans leur intérêt. L’image du praticien n’a d’intérêt que par rapport à la relation, comme tout ce qu’il peut essayer de mettre en jeu. Dans ce cadre et avec cet état d’esprit, il est relativement facile de ne pas nuire.

Il est possible de nuire par incompétence ou manque de maîtrise, en laissant perturber la relation par des éléments qui n’ont pas lieu d’être.

Pour que la relation soit bonne le patient doit respecter quelques règles simples : de quoi régler et se faire rembourser (avec la carte vitale), la ponctualité, le souci d’être vrai dans ses propos. Il doit aider le praticien à faire correctement son métier.

Le ne pas nuire fait ainsi intervenir le contexte de l’activité. Les exemples où le contexte rendent difficile ou impossible la réalisation satisfaisante d’un objectif sont multiples.

Une situation de plus en plus souvent retrouvée est la conscience qu’il n’est pas possible de mettre en jeu les moyens appropriés. Le praticien ne doit pas hésiter à en informer le patient ou son entourage. Il ne sert à rien, au contraire, de masquer la gravité de la situation. Cela peut aider les patients à davantage compter sur eux-mêmes.

Si nous laissons, à présent, le champ médical et celui des addictions à effets collatéraux, comment décliner cette préoccupation ?

Le ne pas (se) nuire s’inscrit pleinement dans la philosophie de sortie de l’addiction. Il s’agit de ne pas se nuire et de ne pas nuire.

Ne pas se nuire suppose une prise de distance par rapport aux sollicitations dérangeantes ou dangereuse mais plus encore une remise en cause des façons de penser qui étaient associées à l’addiction, notamment la positionnement de victime ou les ressentiments inutiles. Désormais, le sujet doit avoir conscience qu’il a en mains la barre de son navire. Il doit être maitre à bord, prendre du temps pour atteindre ses objectifs, éviter les relations problématiques, rechercher les sources de tranquillité, de bien-être et de progrès.

Quelqu’un qui va mieux peut susciter un intérêt nouveau et lui-même peut avoir envie d’élargir son horizon relationnel. Le besoin de partager est naturel. L’ouverture n’exclut pas la prudence.

Le sujet qui s’applique à ne pas se nuire peut assez facilement étendre sa bienveillance à d’autres personnes. Il peut plus facilement tenir compte des fragilités des autres non pour les exploiter mais pour les respecter.

L’épicurien exclut la manipulation portant préjudice à autrui. Il n’exclut pas l’habileté relationnelle quand celle-ci permet de ne pas créer des difficultés à l’autre, tout en l’aidant à atteindre ses propres objectifs. Pour l’ordinaire, l’honnêteté intellectuelle suffit. Ne pas nuire rend l’esprit léger. Il n’est pas si difficile de prendre l’habitude de respecter l’autre. Si l’on identifie quelqu’un qui ne partage pas cette philosophie, il doit être possible de s’en éloigner.

L’ambivalence est une situation normale : le sujet est partagé entre deux désirs. Soit il peut les satisfaire, auquel il doit compter sur ses capacités, soit il ne le peut pas et il doit se satisfaire du désir qui lui semble le plus important.

Le dilemme se retrouve souvent en alcoologie. La prudence ou l’expérience conduisent à adopter sans regret la solution la plus réaliste.

Avez-vous avant de vous lancer dans une aventure inédite, le souci indissociable du « Ne pas (se) nuire » ?