03-07-2023

La diversité des expressions valorisées par les Alcooliques Anonymes propose, entre autres, la notion de « renaissance ». Que faut-il en penser, et comment le comprendre ?

Renaissance a une signification polysémique. Il existe même un courant psychothérapique qui privilégie le « re Birth ». La « guérison » s’obtiendrait au prix d’une régression faisant revivre les sensations les plus précoces de l’existence. Contraste : la Renaissance correspond à l’entrée dans les Temps Modernes, à un moment de l’histoire humaine où les connaissances ont pu remettre en cause les conceptions du monde antérieures. Il est possible de rechuter dans des croyances relevant de la pensée magique, nous faisant confondre illusions et réalités.

Plutôt que ce terme imprécis, nous privilégions l’expression de changement de trajectoire. Les progrès de la dépendance alcoolique créent une similitude d’évolution à partir de situations sociologiques variées. L’alcool est un grand démocrate. Il applique sa loi avec la même rigueur, en refusant toute discrimination. Il suffit de le confondre avec un allié.

L’arrêt de l’alcool se prolonge, le plus souvent, d’une sensation de mieux- être immédiat, ne serait-ce que du fait d’un sommeil plus naturel et de la récupération de ses capacités naturelles. La nouvelle vie qui s’annonce à l’arrêt de l’alcool n’a souvent rien d’exaltant. Des années ont été perdues ou compromises. Les acquis ont été fragilisés. Des problèmes sont à résoudre. Le contexte se révèle compliqué. En cela, tout le monde est logé à la même enseigne. A l’image de l’alcool, la société néolibérale laisse peu de chances à ceux sur lesquels s’exerce son emprise.

Il va s’agir de passer de l’abstinence (mot détestable) à la sobriété. Quelles significations correspond à ce mot ? C’est le contenu de l’accompagnement qui va peu à peu le définir. Il est possible qu’une abstinence d’alcool s’associe à une absence de changement dans la façon d’être et de penser. L’inverse est également parfois vrai : des progrès en lucidité, en ouverture d’esprit s’observent alors que l’alcool est encore présent, au moins par périodes.

Le changement de trajectoire évite le pire et ouvre à du meilleur. Pour que la sensation de renaissance ne soit pas un feu de paille, un « travail sur soi » est indispensable, associant pas de côté et prise de recul. Le changement est lent et graduel. Il suppose réflexion, détachement des « convocations de l’actualité », exercice de la pensée critique, accroissement des connaissances utiles, soin de soi, souci des autres… A terme, le mot de sobriété perd sa justification. La personne vit une philosophie active ancrée dans le réel.

Avez-vous éprouvé la sensation de renaissance ( plutôt que « reconnaissance »  ))dans votre vie ? Dans quelles circonstances ? Avez-vous conscience d’avoir changé de trajectoire de vie à un moment de façon réfléchie et pour votre bien ?