16-10-2023

C’est la première fois, de mémoire, que nous abordons ce thème en séance.

Nous sommes indifférents à quelque chose ou à quelqu’un quand le fait ou la personne n’éveillent en nous aucun écho, aucune émotion, aucun intérêt. L’absence d’empathie ou les préjugés peuvent intervenir. Clavreul, psychanalyste de renom, disait à propos des alcooliques qu’ils ne « lui disaient rien » au motif qu’ils n’exprimaient rien de leur monde intérieur. Ce mot d’esprit ne rencontre pas mon expérience. Le silence de l’addicté renvoie directement à notre surdité volontaire de soignants. Le temps presse. Il y a toujours une ordonnance ou une attestation à remplir, un protocole qui évite d’écouter et de dialoguer. Ils ne sont pas à l’aise face à un patient à la demande absente, ambivalente, irréaliste. De ce point de vue, certains patients doivent réapprendre à respecter la relation médicale. La dégradation de la relation de soin joue dans les deux sens.

Cette indifférence se retrouve partout ailleurs. Dans le métro ou dans la rue, personne ne regarde personne. La méfiance et la délation ont remplacé le respect de l’autre et la disponibilité. Chacun s’abrite derrière sa position de pouvoir pour éviter l’autre et ne pas se compliquer la vie. Il suffit de s’en tenir au règlement et de pratiquer l’évitement grâce à la virtualisation numérique. La mise en congé de l’empathie est devenue structurelle. Elle est remplacée par l’indignation et les petites bougies. C’est ainsi que le monde devient irrespirable.

Existe-t-il une indifférence légitime ? Nous sommes interpellés par des informations catastrophes, par des menaces sur lesquelles nous n’avons aucune prise ou par des nouvelles qui n’ont comme but que celui de nous distraire de nos affaires. Face à un problème d’envergure, il y a deux façons complémentaires de limiter la marge d’erreurs : se documenter sérieusement, écarter les biais idéologiques. Le principe de précaution dispense également de réfléchir en donnant bonne conscience. Il est sans doute préférable de préserver notre liberté critique et de mobiliser nos capacités pour ce qui en vaut la peine.

Qu’en est-il de vos indifférences ? et de l’indifférence environnante ?