19-02-2024

 

« Quand je travaille au cours de la semaine, je ne bois pas. C’est comme si j’attendais le samedi pour boire. J’ai un rituel. Je regarde un film. J’écoute de la musique. Je bois. Le lendemain, j’ai la gueule de bois. Je bois encore. Le lundi, quand je commence ma semaine, je suis en mauvais état. Cela dure depuis plusieurs années. Je ne supporte plus la gueule de bois. Mon contrat de travail va cesser. Je vais être encore plus exposé. Un rien dans les périodes à risque, me fait basculer. J’assure de moins en moins mes contrats de travail. Plusieurs fois, je me suis fait peur. »

Les fins de semaine qui commencent désormais, pour les jeunes gens, dès le jeudi soir, ont toujours été au centre des discussions sur les habitudes festives et leurs conséquences. Les quelques lignes reproduites plus haut résument une situation habituellement rencontrée. Celui qui s’exprime ainsi effectuera prochainement une HBA. Le groupe peut lui proposer son témoignage, à partir de son expérience, pour dessiner un après, une alternative à la dégradation croissante de la relation à l’alcool.

Au cours de la consultation, j’ai fait mention de deux notions qui devraient être enseignées dès les années de collège : l’expérience du chien de Pavlov et celle du rat d’Old et de Milner. Pauvres bêtes ! Je rappelle pour ceux qui n’ont pas eu la chance de faire des études adéquates de quoi il est question. Le chien de Pavlov adore, comme nous, le steak haché, même sans œuf au plat dessus. Quand l’heure de son repas approche, il en salive d’avance, identique en cela aux humains que nous sommes. Le malicieux Pavlov habitue la bête à entendre une sonnette avant que la pitance lui soit présentée. Le chien en salive d’avance, y compris quand rien ne se présente. Le système de récompense a été programmé. Le phénomène se retrouve pour l’alcool en fin de semaine, pour chaque soirée par la suite, jusqu’au moment où la dépendance constituée suscite une envie irrépressible de boire à heure fixe ou à toute heure.

L’histoire du rat qui préfère la stimulation artificielle à son fromage, au point de mourir d’inanition, est plus tragique. Elle se vérifie malheureusement dans grand nombre de vie de personnes devenues alcoolodépendantes. Beaucoup de temps se perd avant qu’une démarche cohérente ne s’organise. Tant que la perte de contrôle n'a pas été suivie de conséquences dommageables – et même par la suite, l’illusion d’un contrôle possible perdure. Encore faut-il qu’une démarche cohérente soit structurellement possible, mais ceci est une autre histoire.

La croyance selon laquelle les bons moments doivent nécessairement s’accompagner d’alcool peut sembler ridicule. Elle constitue cependant un rituel socialement efficace pour le bonheur des alcooliers et pour les dirigeants d’un pays qui se satisfont de ce qu’une partie importante de la population joue le jeu de l’anesthésie générale et de la déconsidération.

Comment avez-vous fait pour ne plus « haïr vos dimanches » et vous rendre maitres de vos vies ?