22-04-2024

 

Le regard des autres fait intégralement partie de la clinique des addictions. Il intervient différemment selon les moments de la relation au produit. Au commencement, il aide à avoir le sentiment d’être comme les autres, comme si cette préoccupation était une question sérieuse.

Le souci du regard des autres est construit sur la base de normes socialement valorisées. Cette situation a été abordée dans une chanson de Jacques Brel, chanteur remarquablement sensible et intelligent Peut-être réglait-il un passif psychologique créé par le regard maternel. Il n’était pas spécialement beau il avait oublié d’être con. Brel souhaitait, en effet, être « beau, beau, beau, une heure, seulement une heure, une heure quelquefois, rien qu’un heure, beau et con à la fois. » Ce renvoi fait le lien entre l’influence des regards qui se sont posés précocement sur l’enfant et la façon dont il vivra par la suite le regard des autres et les normes socialement valorisées. Il me vient à l’esprit une anecdote maternelle. Ma digne mère était remarquablement économe de compliment me concernant. J’ai même dû souffrir un moment sa mise en comparaison obsessionnelle avec un sympathique cousin , bien sous tous rapports, particulièrement pour ce qui était des problèmes de calcul. Par l’effet des influences parentales croisées cette comparaison désobligeante m’avait aidé à la désacraliser.

 L’histoire préférée racontée par ma mère concernait un petit garçon malheureux car ses camarades d’école (déjà) se moquaient de lui à cause de sa grosse tête. Après l’avoir longuement rassuré et réconforté, elle lui demandait d’aller chercher cinq kilos de pomme de terre avec sa casquette. Etant inculte à cet âge-là, je ne lui avais pas demandé s’il s’agissait de pommes de terre nouvelles ou d’Agata (les meilleures pour la purée). Cette anecdote montre qu’il est possible, avec un peu d’entraînement, de mettre à distance le regard des autres en faisant preuve d’humour ou d’autodérision.

Le regard des autres intervient également dans les phénomènes de non-reconnaissance. Une souffrance narcissique historique peut se réactiver pour des détails sans signification en fonction de l’humeur dépressive.

Bref, j’en ai assez dit pour vous donner l’envie de décliner les impacts du regard des autres, aux différentes périodes de votre vie, y compris, bien évidemment, en fonction de la proximité ou de l’éloignement de l’alcool.

L’élaboration mentale réalisée dans le cadre de l’accompagnement vous a-t-elle suffisamment soigné(e) ? Quels sont les regards que vous avez désormais plaisir à intégrer ?