03-11-2025
Au sein d’un collectif aux opinions tranchées et catégoriques, un dicton peut faire consensus et inciter à une réflexion…critique, utile : « La critique est aisée, l’art est difficile ». Nous la devons à un comédien du XVIIème siècle, un illustre presque inconnu du nom de Philippe Néricault-Destouches, auquel nous devons au moins deux autres proverbes : « Chassez le naturel, il revient au galop » et « Les absents ont toujours tort ». Concentrons-nous notre attention sur l’intitulé.
La critique est, certes, a priori, aisée. Nous pouvons même admettre qu’il s’agit d’un sport national. Nous critiquons les autres avec d’autant plus de force que nous en avons besoin pour ne pas voir la part de torts et d’erreurs émanant de notre personne et nos groupes d’appartenance.
L’esprit français a eu la réputation de savoir faire vivre la critique des autres et de soi – sous la forme de l’auto-dérision. Un enseignement de cette pratique : la critique a des chances de devenir salubre quand elle fonctionne dans les deux sens. La critique ne peut s’amputer d’un même regard sur soi.
La critique n’exclue pas la bienveillance. La susceptibilité la rend difficile.
L’esprit français n’a évidemment pas le monopole de l’esprit critique. Il peut adopter différentes formes : l’analyse méthodique des faits dégagés de l’observation, de l’expérience mais également des savoirs sélectionnés et assimilés. Nous savons, depuis Kant, que nous avons à nous méfier de la Raison pure. La critique peut prendre une forme plus improvisée sous la forme de l’ironie et de l’humour.
La critique a des fonctions précieuses : faire voler en éclat les assemblages de pensées convenues qui justifient l’injustifiable. L’humanité a sans doute besoin de certitudes rassurantes. Peu lui importe, au fond, que ses croyances soient réelles, ridicules, imaginaires ou délirantes. Mettre en jeu l’esprit critique crée une forme d’insécurité, alors que l’esprit de critique rassure et apaise. L’inconvénient des idéologies est double : elles finissent par être contredites par le réel, non sans, auparavant, avoir façonné – pour le meilleur et le pire – endommagé le réel, et compromis l’existence d’un avenir qui aurait bénéficié d’une critique suivie d’heureux effets.
La critique fondée est tout, sauf aisée. Pour autant, l’art est-il difficile ?
L’art demande assurément du talent et beaucoup de travail. Le terme d’art fait souvent écran. Il recouvre toutes sortes de pratiques et de significations. Notre dialogue peut s’en tenir, plus modestement, à l’art de la critique, sachant que chez une personne dévalorisée par ses addictions et ses écarts de conduite, la critique devient un exercice artistique pour être entendue de façon constructive.
L’art de la critique est devenu plus difficile que par le passé, dans la mesure où il n’est pas séparable de la liberté de jugement. Notre monde numérisé multiplie les normes opposables, les protocoles souvent contraignants, les objectifs irréels, sans parler des informations mensongères ou invérifiables. Les programmes se passent d’explications. Ils énoncent des chiffres et des objectifs, sans faire un état des lieux ni une réflexion sur les moyens.
Notre pratique alcoologique s’applique à donner des éléments d’analyse critique, étrangers aux idéologies moralisantes, mais également des raisons d’espérer. La critique pertinente, l’art de la pratique figurent parmi nos objectifs.
Avez-vous conscience de vos progrès réalisés dans l’art de la critique ?