Lundi 4 Mai

Un des stagiaires m’a confié avoir été mal à l’aise quand la discussion, lors d’un échange avec une visiteuse − dont la prestation a été très appréciée −, a porté sur les « pervers narcissiques ».

Au siècle de la « pensée paresseuse » et tout spécialement pour la problématique alcoolique, nous avons à nous méfier des étiquettes obligeamment déposées par des personnes pressées de conclure. En même temps, il faut savoir caractériser une attitude, une situation et parfois distinguer un trait déterminant dans la conduite de quelqu’un.

Pervers narcissique. Sait-on les significations du mot pervers ? …du mot narcissique ? …de leur association ?

Les psychanalystes considèrent la dépendance psychologique à l’alcool comme une perversion d’objet. L’alcool tend à devenir un « objet total » qui supplante et instrumentalise tous les autres.

L’alcool est un objet possiblement pervers, séduisant au départ, par les effets qu’il procure, liberticide, ensuite, par la perte de liberté qui s’attache insidieusement au phénomène de dépendance. Il est responsable de mauvais agissements à l’encontre des autres et de soi. Son statut narcissique de bel objet est garanti par une culture œnologique, la publicité, par la pression sociale. L’incorporer donne l’illusion d’une aisance accrue.

« Pervers narcissique » est un terme qui vise principalement les séducteurs sans scrupule, incapable d’aimer autre chose que leur image et de jouir d’autres chose que le sentiment de maîtriser « l’objet », en le trompant, le soumettant, le dévalorisant, en lui faisant perdre confiance en soi et respect de soi, sans se priver au passage de sévices dissimulés, psychologiques et physiques. Le pervers narcissique est, au plus, capable de honte quand il est démasqué. Il est inaccessible à la culpabilité.

Cette réalité ne doit faire faire oublier la banalité de ces comportements chez les immatures, le fait que ces personnalités perturbantes et perturbées peuvent être décryptées et neutralisées avec un minimum de sens critique. Heureusement, tous les pervers narcissiques ne s’attaquent pas aux enfants…

Le discours sur les « pervers narcissiques » ne doit pas devenir une façon de se poser en victime ou de pratiquer des amalgames.

Il est ainsi possible d’être habile et d’utiliser le registre de la suggestion sans justifier l’étiquette expéditive de « PN ». Le soin a ainsi besoin d’habileté relationnelle et de suggestion plus que d’attitudes prévisibles et formatées.

Il est utile de prévoir et de contrôler raisonnablement ses émotions, tout comme il est nécessaire de refuser d’être dévalorisé par ceux qui s’octroient le droit de juger les autres, sans prendre le temps de connaître l’objet de leur rejet et de faire l’effort de comprendre.

Autres exemples d’étiquettes souvent utilisées par la Pensée unique : « bipolaire », « border line », « co-morbidité », « alcoolique »….

Accordez-vous de l’importance aux étiquettes ? Si oui, lesquelles et pourquoi ?

Quelles différences faites-vous entre une étiquette et une caractérisation ?