En complément du thème du 26 Novembre

 

Souhaiter restaurer la « seigneurie de soi » suppose d’être devenu conscient d’avoir perdu le contrôle non seulement de sa consommation d’alcool ou de ses consommations psychoactives, en cas de poly-addiction, mais plus largement encore de sa vie.

L’aide médicamenteuse n’est pas à négliger en alcoologie. L’intervalle entre la première rencontre et la seconde étape de l’approche relationnelle doit viser l’arrêt ou une forte réduction de la consommation, sans préjuger de l’avenir.

Il est facile, à cet effet, de supprimer les signes de manque physique, de réduire la compulsion, par l’usage du Baclofène – ne serait-ce qu’en utilisant de l’effet placebo et anxiolytique de cette molécule, et de créer une suspension de la consommation par l’Espéral pour qu’enfin des journées de 24h se passent sans la moindre goutte d’alcool.

L’effet de libération chimique qui en résulte redonne un meilleur tonus psychique et mental. L’intervalle de temps créé doit être utilisé pour conforter l’envie de persister dans cette voie. Là intervient la relation d’aide. La relation bienveillante instaurée par le soignant doit être complétée par un effort de transmission de connaissance, par l’ouverture d’une perspective différente de celle de la répétition.

Nous rencontrons-là un premier niveau de difficulté. Un tri s’effectue entre ceux qui acceptent de payer un livre et de commencer sa lecture et ceux qui croient que la lumière va tomber du ciel. De nombreux patients ne se donnent pas les moyens de retrouver du pouvoir sur eux-mêmes. Ils préfèrent continuer à échouer. Ainsi, pour ce qui nous concerne, ils ne règleront pas une adhésion à l’association de signification symbolique.

Pourtant, c’est à partir du peu de pouvoir qu’ils retrouvent face à leur dépendance qu’ils auront envie de se risquer plus avant dans cette voie nouvelle.

Dès lors, ils peuvent entrer dans une phase relativement passionnante de reconquête d’une liberté d’agir et d’exercer leur esprit critique.

Un piège possible est de se laisser envahir par des préoccupations purement contextuelles : retrouver le permis, éviter une rupture affective, entreprendre une démarche dans le domaine de l’emploi…

Le sujet peut rester longtemps ambivalent, continuer à parler d’alcool ou reconsommer, quitte à passer aux Urgences, ou encore endosser un habit de victime ou même de sauveur, pour s’épargner la reprise en mains indispensable.

Une longue période de transition s’ouvre. Plus et mieux le sujet s’investit, plus spectaculaire et solide sera son évolution. S’il sait se contraindre à une discipline, le sujet pourra tirer avantage de l’accompagnement qu’il choisit.

En retrouvant un meilleur contrôle de ses faits, gestes et émotions, en apprenant à résister aux sollicitations inopportunes, en évitant de retrouver les scénarios qui le conduisaient à trouver l’alcool, le sujet évolue. En continuant à s’ouvrir à la connaissance de soi et de la problématique alcoolique, par les moyens mis à sa disposition, le sujet va progresser dans l’apprentissage de sa liberté.

En apprenant à se respecter, il va se faire respecter des autres. En retrouvant sa propre estime ou du moins une opinion moins négative de soi, il va gagner le respect et la considération des autres. Il pourra beaucoup mieux affronter l’adversité et les malheurs, saisir ou créer des moments heureux, devenir utile.

L’abstinence lui a donné du pouvoir sur lui, le travail d’élaboration  mentale (esprit critique, analogies, symbolisation) va restaurer l’autorité sur ses choix de vie. L’accompagnement va agir comme moyen de persuasion pour sortir de la répétition addictive, des illusions et de la dévalorisation qui s’y rattache.

Si nous voulons rattacher les mots de pouvoir, d’autorité et de persuasion, nous voyons donc que le premier se rattache à l’arrêt de l’alcool, le second au travail de réflexion et d’élaboration mentale, le troisième à l’effort de connaissance et de partage d’expérience.

À ces conditions, le sujet deviendra un épicurien pragmatique, acteurs de ses choix, ce qui est le but de l’accompagnement que nous proposons. Il rejoindra la minorité des citoyens libres dans un Monde asservi.