Lundi 21 Janvier 2019

 

Un thème bien sombre me direz-vous. Cela étant, je rencontre assez souvent des personnes ayant survécu à une tentative de suicide et je suis confronté à des histoires où les comportements de proches, plus ou moins proches, évoquent des formes d’assassinat. J’ai toujours gardé en mémoire le titre d’un roman de Gilbert Cesbron : « c’est Mozart qu’on assassine ». Les maltraitances infantiles sont légion.

Quelles peuvent être les significations d’une TS, dans le cours d’une problématique addictive ? Pour de jeunes personnes, on peut discuter d’une forme de romantisme, d’un désespoir sincère ou théâtralisé d’interrompre la peine de vivre. Dans le monde tel qu’il se présente, surtout après avoir subi des dommages, la vie peut être dépourvue de sens et d’intérêt. De façon plus inconsciente, une TS peut correspondre à la difficulté d’être soi, c’est-à-dire seul et définitivement séparé de la sécurité du corps maternel. Le désir d’en finir peut répondre à la croyance que le monde, tel qu’il se présente, n’est pas fait pour soi. La persistance d’une addiction non psychoactive, telle une anorexie mentale, peut constituer un risque vital. Les mutilations volontaires constituent une forme atténuée de TS. Certains suicides interviennent sur le mode de la répétition entre générations, après le suicide d’un parent qui a pu exercer un effet modèle ou avec lequel se partagent des troubles de l’humeur tels que la mélancolie ou une dépression sévère. La mélancolie est un sentiment de vide douloureux lié à la perte de l’objet d’attachement. Peu importe l’intelligence de la personne. Ainsi le suicide de Virginia Wolf. Il est moins fréquent d’observer des suicides narcissiques ou encore des suicides destinés en fait à éviter un châtiment inexorable. Certains personnages politiques ont connu ce destin.

Souvent, les TS concernent des personnes attachantes dont « l’écart de conduite » manifeste la sensibilité. La pulsion de mort peut s’inverser en désir de vie. C’est un des enjeux de la psychothérapie.

Les formes atténuées ou symboliques d’assassinat se déclinent de différentes manières : abandon et maltraitance de jeunes enfants, actes pédophiles ou incestueux, violences physiques, morales et mentales, moqueries qui font mouche.

Nous n’insisterons pas pour ce thème sur les conséquences humaines de politique économique ou éducative. La marchandisation du monde est, de ce point de vue, une forme d’assassinat. L’égoïsme des forts, de ceux qui abusent de leur pouvoir, en évitant de prendre leurs responsabilités, est une forme d’assassinat.

En quoi le thème du suicide vous parle-t-il ? Pensez-vous avoir été coupable ou victime d’un assassinat et de quel type ?

Au moment de confirmer ce thème pour le 22, je me vois dans l’obligation, encore une fois, de me démettre de l’animation de la séance. Je continue de supporter l’agression d’un virus avec de nombreux symptômes invalidants. Depuis plus de 8 jours, je suis l’ombre de l’ombre de moi-même. Je vais donc demander à Georges d’animer la séance. Il faudra qu’un étudiant prenne la position d’un scribe (Olivier, Stéphanie, Delphine).

Pour donner mon éclairage sur ce thème, je prendrais deux exemples.

Le premier qui a justifié le choix de ce thème, correspond à une jeune fille de 18 ans. Ces derniers mois, elle multipliait les alcoolisations jusqu’à la perte de conscience, en groupe et seule. Les parents séparés se sont rapprochés pour chercher une solution. J’ai reçu cette patiente. Nous avons, en quelque sorte, mis en commun notre dénuement. Avec l’aide de l’Espéral, elle a suspendu ses alcoolisations. Elle a repris le chemin de ses examens partiels, qu’elle a réussi. Elle accumule un bagage de connaissances qui lui servira pour le métier d’institutrice auquel elle se destine. Je lui proposé 4 plages de RV qui auront chacun une thématique propre :

  • le contentieux avec ses parents,
  • comment elle se voit, comment elle se voudrait,
  • comment elle voit les relations avec les autres,
  • quel est son projet de vie.

Pour manifester qu’elle appréciait ce qui se mettait en place, elle m’a offert un style à bille aux couleurs du Stade Toulousain et j’ai pu capter son sourire, à plusieurs reprises.

Pour rester dans le sujet de la séance, je reviens sur ma patraquerie.

A l’évidence, mon corps me parle. Il engage une sorte de mouvement social. Il n’en peut plus de subir les sollicitations et les perturbations de mon cerveau. Depuis un an,  j’ai enregistré des agressions qui ont leur cohérence.

La première a été l’attitude ignominieuse de l’Ordre des Médecins local. J’ai passé les détails mais je peux vous affirmer que j’ai vécu, en direct, pendant plus d’une année, des mises en demeure, des « sévices » d’une remarquable perversité. Je crois avoir partagé le vécu des innocents qui se trouvent en position de subir la violence policière, au fond d’un Commissariat. Pourquoi ? D’une certaine manière, une instance de Pouvoir peut ne pas comprendre pas les actes décidés à partir d’une position d’autorité, surtout quand elle émane d’un simple professionnel décidé à ne pas laisser se perpétuer le massacre d’enfants hors d’état de se défendre. Mon fils a subi une plainte, récemment, pour une question sordide d’argent qui en dit long sur la mentalité d’assistés de nos congénères. La défense du bâtonnier a été exemplaire de clarté.

La seconde a été la trahison qui a pris son origine dans nos rangs. Je crois reconnaître qu’en dépit du pessimisme fondé sur l’expérience je n’aurais jamais imaginé que la dépravation éthique d’une ou plusieurs personnes ait pu déterminer un tel passage à l’acte. J’ai été également assez écœuré d’observer les agissements de quelques-uns gommant tout esprit critique au nom d’une solidarité avec …un monstre, pas vraiment intelligent. Je me suis senti doublement insulté, blessé et découragé. Je me suis relevé, cependant, en pensant à tous les autres et au projet. J’ai reçu des aides précieuses.

Au plan personnel, l’impitoyable maladie qui a emporté mon frère, en l’intervalle, d’une année hautement médicalisé, m’a, normalement affecté. Je croise, désormais, des lieux-cimetières quand je me rends, par la ville, chez érès.

La dernière source de souffrance se situe dans l’inaptitude des Pouvoirs publics à comprendre et à faire concrétiser le projet d’alcoologie.

Nous avons découvert un microclimat très favorable à la Clinique Rive Gauche. Cependant, les Pouvoirs publics, les instances décisionnaires de l’alcoologie et de l’addictologie, ne vont pas miraculeusement changer de logique de fonctionnement, aller au secours des acteurs sociaux en position de fragilité, avec une claire vision des priorités. Je crains que le décalage entre ce qu’il faudra amorcer et ce qui nous sera octroyé ne soit infranchissable. Il faut lire attentivement mon commentaire de texte sur l’évidence-based medicine ».

Il existe de nombreuses façons d’assassiner ou de se suicider. Je réfléchis à la façon la plus correcte d’organiser mon retrait, progressif ou accéléré. Vous allez sans doute m’aider, avec discernement, pour cette étape.