La gérer émotionnellement, rationnellement…

17 août 2020

De nos jours, et de tout temps, l’information pose un problème en soi.

L’information pose un problème dans la mesure où elle influence directement notre perception du Monde. Ceux qui détiennent le Pouvoir d’informer pèsent sur nos représentations du Monde, la façon dont nous allons distinguer nos priorités, notre vie émotionnelle elle-même. L’information intervient directement dans notre subjectivité.

Un participant nous a demandé d’aborder cette question sous un angle très précis : sa gestion.

Dans le domaine de l’addiction, il est nécessaire d’aborder cette question sous l’angle émotionnel. La plupart des personnes affectées par une addiction se reconnaissent comme sensibles, réagissant fortement aux émotions. Ce n’est pas pour rien qu’il est question de détachement émotionnel. Cette expression n’est nullement une incitation à l’indifférence, à l’absence d’empathie ou au cynisme. Le détachement émotionnel consiste seulement à laisser l’émotion à distance, le temps qu’elle s’apaise, pour distinguer les faits qu’elle dissimule ou amplifie. Les dernières décennies ont privilégié les émotions, comme un bien désirable.

L’important est d’éprouver des émotions, intenses de préférence. Dès lors, il n’est pas étonnant de voir accorder une importance démesurée à l’information-catastrophe ou aux informations sordides. Un phénomène parallèle tend à neutraliser ces émotions provoquées, la banalisation. Un procédé employé est le recours aux chiffres : « Le nombre de plaintes pour violences conjugales s’est accru de 4,88% pendant la période du confinement ». Le détachement émotionnel est une nécessité vitale pour éviter la solution addictive, les réactions inconsidérées, les mauvais choix.

L’information n’est pas seule en cause pour induire des comportements regrettables. Nos insuffisances n’ont pas besoin d’être flattées ou exacerbées pour s’épanouir. Nous avons, donc, parallèlement à l’effort de détachement émotionnel, à connaître les ressorts invisibles de nos actes et de nos propos. Cette attitude n’est pas spontanée. Beaucoup agissent d’abord et réfléchissent inconstamment après au vu des conséquences. Ils sont agis par leurs « passions ».

Pour en revenir aux informations, il est prudent de faire jouer à leur encontre le principe de précaution dont on nous rabat les oreilles. Avant de réagir à une information, il semble prudent de s’en méfier. Sans faire preuve d’un mauvais esprit caractérisé, plutôt que croire une information exacte et fondée, il est sans inconvénient de la tenir a priori pour partielle, partiale, superficielle, possiblement erronée, peut-être manipulatoire. Les journalistes disent souvent qu’une information plus un démenti égalent deux informations.

Nous avons toujours le temps de nous désespérer d’une mauvaise nouvelle. Il convient plutôt d’en attendre la confirmation. Une autre manière, très simple et efficace, de réagir face à une information, est de se demander en quoi elle nous concerne et en quoi nous avons prise sur elle. Quand nous avons appris qu’un incendie ravageait de grandes étendues de l’Australie, que pouvons-nous éprouver d’autre qu’une fugitive compassion pour ses habitants, humains et animaux, ainsi que pour sa végétation ?

Un point essentiel face à toute information est de se demander pourquoi elle intervient à ce moment-là et quelles sont les informations utiles qu’elle cache en occupant le devant de la scène. Il n’est pas prouvé que les informations oubliées le soient toujours délibérément. C’est presque plus grave. Les « médiologues », ceux qui, en principe, rendent compte au niveau des médias, des réalités sociales peuvent être sincères. J’ai acquis sur commande un livre collectif sur la Santé1, primé par la Business School. Il est question de « réforme globale ». Il n’y a pas un traître mot sur les addictions. Il existe une cécité d’ignorance et une cécité de parti-pris.

Je peux conclure cette introduction en avançant l’idée que les informations ne valent pas la peine de s’émouvoir à leur propos et qu’il est utile de vérifier les informations qui ont de l’importance pour nos vies.

Savez-vous gérer l’information ? Comment faites-vous face à une information plaisante et face à une information déplaisante ?

  1. Frédéric Brizard, Et alors ! La réforme globale de la santé, c’est pour quand ? Fauves éditions, 2020