Lundi 21 Décembre 2020

C’est le joli titre d’un ouvrage de Pablo Servigne, publié aux Liens qui libèrent, en 2017. L’auteur a fait connaître un concept « La collapsologie ». Je renvoie chacun aux informations numériques disponibles sur cette théorie de l’évolution. Je souhaite juste faire réfléchir à la façon dont nous pourrions comprendre à notre échelle cette autre loi de la Jungle qu’est l’entraide.

Pour Servigne, l’entraide est un phénomène naturel. Effectivement, l’interdépendance est une règle sociale et la réciprocité fonde l’entraide. Il existe de nombreux exemples de coopération dans la nature et au sein du corps humain lui-même. Certains mots ont des sens précis : saprophytes, symbiose. Les saprophytes ont des rôles utiles dans la décomposition de matières organiques, au niveau intestinal en particulier. Dans certains cas, ils peuvent devenir pathogènes. On les qualifie alors « d’opportunistes ». Certains existent à l’extérieur du corps, certains ne peuvent exister qu’avec le corps. Ils sont alors appelés saprophytes commensaux. La symbiose définit un état de complémentarité, de fonctionnement harmonieux de deux êtres ou de deux entités, dont chacun retire un bénéfice qu’il n’aurait pas autrement.

Cela étant, l’entraide humaine est un phénomène actif et conscient. Elle n’est pas donc naturelle, au sens premier.

L’entraide en alcoologie suppose une convergence d’intérêts. Pour le soignant, il s’agit d’accroître l’efficacité de son action, en la comprenant mieux et en s’appuyant sur des complémentarités, apportées par des personnes ayant subi la dépendance alcoolique. Ces complémentarités sont de natures diverses : témoignages mais également aides techniques, permises par la mutualisation des ressources et des compétences.

L’entraide renforce et développe l’efficacité de l’action, tout en apportant à chacun le sentiment d’être utile et reconnu. Elle atténue le sentiment de solitude.

Pour les aidants, l’entraide est une forme d’investissement politique.

Le caractère politique de l’investissement devient encore plus manifeste lorsqu’on examine l’accueil des Institutions aux besoins de soin et d’accompagnement des personnes souffrant d’addictions. Seul le caractère collectif permet à l’action de se faire connaître auprès des Pouvoirs Publics alors que les relations avec les médias sont davantage un secteur d’intervention qui incombe aux soignants par la prise de parole publique ou par des documents médiatisés : livres, émissions médiatiques.

Nous ne saurions écarter le fait que l’entraide doit – devrait - être la loi dans un couple et, à un autre niveau, au sein d’une famille. Celle ou celui qui boit néglige par la force de la dépendance cet aspect de la relation.

Dire que l’entraide est une autre Loi de la Jungle signifie que notre Monde est une jungle gouvernée par d’autres lois, notamment celles du profit financier, du déni de ce que l’addiction masque ou entretient.

De ce fait, l’entraide en alcoologie et addictologie devient une position de résistance qui demande d’être entretenue par la réflexion, le lien, la pratique, des actes.

L’entraide se décline par les paroles authentiques échangées au sein des groupes de parole, par les responsabilités effectuées au service du Collectif, par les implications financières représentées par l’adhésion, par le temps donné.

L’entraide n’entraîne pas la confusion des genres et des fonctions. Chacun peut rester lui-même à deux niveaux, comme personne et comme « composante » de la problématique : soignants, aidants, proches, patients, étudiants.

L’entraide peut s’exercer avec des préoccupations de gentillesse, de service, de coopération, de respect de l’autre, de désintéressement.

L’entraide trouve ses limites dans les affects de pouvoir, d’image, de jalousie, de non-réciprocité (le parasitisme). C’est une qualité assez rare dans un monde qui privilégie l’Ego, l’Avoir, le rapport de force, l’agressivité, l’immédiateté, l’image, la consommation.

L’entraide demande une réflexion active qui la distingue du témoignage répétitif. Elle suppose de savoir écouter et de se rendre raisonnablement disponible.

L’entraide est une déclination heureuse de la « non-violence active ».

Votre expérience et votre vécu de l’entraide ?