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Les fiches livres

Houris

Kamel Daoud

Gallimard, nrf

23€ 412 pages

 houris

Un Goncourt pas comme les autres puisqu’il met en histoire une période sombre et – si nous pouvons risquer cet oxymore – éclairante du contentieux entre les esprits libres que nous nous attachons à être, comme Kamel Daoud, et l’obscurantisme criminel, composante de l’islamisme, devenu religion d’Etat en Algérie.

L’ouvrage commence par citer l’article 46 de la « charte pour la paix et la réconciliation nationale ». Il promet des peines de prison à toute personne qui, d’une manière ou d’une autre, romprait l’omerta concernant les massacres perpétrés sur la population algérienne, par villages entiers, femmes, enfants et vieillards compris, au nom du Dieu des imams, dans la décennie 1990-2000, soit 200000 personnes.

La paix sociale ne mérite pas, semble-t-il, ce nom quand elle s’obtient par la menace, lorsqu’elle couvre de son silence la domination du Pouvoir sur la population et celle des mâles sur la gent féminine.

Daoud s’était fait connaître par un premier roman « Meursault, contre-enquête ». Le frère de l’algérien gratuitement abattu par le personnage de Camus répétait le même geste le jour de l’Indépendance et tuait, de façon similaire, un certain Joseph qui ne lui avait rien fait. Daoud est natif d’Oran, comme Aube, l’héroïne, et, accessoirement, comme l’auteur de cette fiche. Il a longtemps été journaliste au Quotidien d’Oran. La ville est très reconnaissable, en dépit du changement des noms de rue consécutif à l’indépendance de l’Algérie. « Houris » montre la force supérieure d’évocation d’un roman, en comparaison avec un essai politique.

L’écriture est vive, inventive et élégante. C’est une prouesse d’auteur de se mettre ainsi dans la peau d’une jeune femme enceinte, dans l’incapacité de parler, après avoir été égorgée et laissée pour morte à 5 ans, parmi les cadavres de sa famille. Le sourire, autre nom pour la cicatrice de l’égorgement, fait 17 centimètres. Aube s’en sert, ainsi que de ses yeux verts, pour défier silencieusement un iman imprécateur voisin. Le lieu de prière, aménagé dans un local commercial, n’est séparé de son salon de coiffure que par une ruelle.

La progression du récit ne nous laisse pas en repos. Le dialogue intérieur d’Aude nous est livré à rebours. Elle parle à son fœtus qu’elle imagine fille – il n’y a pas eu, en effet, d’échographie pour établir le sexe de l’enfant à naître. À noter les modalités surréalistes du diagnostic. L’examen clinique n’a pas été le fait d’un ou d’une gynécologue. C’est l’épouse d’un gynécologue barbu, acquis à l’islam intégriste et à l’anonymat de ses clientes, qui s’en charge. Le praticien pose les questions d’usage derrière un drap séparateur et s’en tient aux renseignements fournis pour délivrer ensuite, contre rétribution, des pilules abortives. Le roman aurait pu comprendre un chapitre consacré à l’éventualité d’un garçon.

Le récit aura une heureuse fin.

Daoud admirait la concision du roman-nouvelle de Camus « La chute ». Comme dirait Blaise Pascal, il n’a probablement pas eu le temps de faire court. Il faut plusieurs dizaines d’heures pour apprécier à leur valeur les 400 pages relativement denses de ce dialogue imaginaire.

Dans un échange avec le journaliste Éric Fottorino, Daoud est très critique pour le régime algérien qu’il assimile à une dictature. Il précise que « ce n’est pas une dictature militaire mais que l’on s’y ennuie plus que dans une caserne sans guerre ». Le régime a combattu l’Islamisme avec la dernière énergie, quand son pouvoir était en jeu, allant jusqu’à annuler une élection gagnée par le FIS (Front Islamiste), avant de créer des mosquées en grand nombre. « Il joue, dixit l’auteur, le califat pour calmer ses clients islamistes ». « Il interdit toute opposition, sauf celle qu’il fabrique. » Il relève l’existence d’un « abus d’obéissance », au sein de la population.

L’Algérie, dit-il, « connait une affreuse oisiveté qui pousse ses jeunes à partir, ses femmes à désespérer et ses prédateurs à multiplier les férocités au nom d’Allah ou de la mémoire ». « L’abus d’obéissance » a été vérifié aussi chez nous au temps du Covid. Nous pourrions considérer que la généralisation forcée du numérique induit aussi un abus d’obéissance active. Le clientélisme a toujours été un puissant moteur politique. Et beaucoup de gens s’accordent à dire que nous « allons dans le mur », sans que celui-ci n’ait été encore identifié.

Avec ce roman, Kamel a déclenché, sans surprise, la colère des « décoloniaux ». Nous pouvons admettre qu’avec « Houris » l’idéologie-écran de la culpabilité de la France en prend un coup. Notre pays n’est pour rien dans la guerre civile illustrée par le roman. Il n’est pas possible de faire de la France le bouc émissaire du malheur de la population algérienne, des jeunes et des femmes en particulier.

La « repentance » qui est demandé à notre pays est de la même veine que la « réconciliation » entre algériens. Elle permet d’éviter toute autocritique au régime politique. Pas plus que Kamel Daoud, Boualem Sansal, ou David Duquesne, un français métissé des houillères, nous ne nous sentons concernés par l’imagerie du colon abuseur, identifiable sous des formes diversifiées en Afrique. Il est significatif que ce soit, aujourd’hui, des intellectuels natifs du Maghreb, parfaitement au fait des pratiques et des arrière-pensées des leaders d’opinion algériens, religieux et politiques, qui dénoncent les exactions dissimulées et les stratégies de colonisation à rebours en cours en Europe. La repentance que se plaisent à feindre ou à prescrire nombre de nos dirigeants évoque complaisance, diversion, démagogie et calcul électoraliste.

Notre besoin d’autocritique et de lucidité n’a que faire des postures politiciennes. Le pire des contentieux est celui nourri par le silence complice, lâche ou aveugle. Les rapprochements sincères et amicaux ont besoin de liberté d’examen, d’exactitudes et de franc parler. Le roman de Kamel Daoud s’inscrit dans cette inspiration. On peut estimer, pour notre propre survie, que le temps est venu de mettre un terme à la guerre d’Algérie, qui se poursuit sans dire son nom, et de faire en sorte d’obtenir enfin l’Indépendance de la France. L’expression de la paix pourrait bien être : chacun chez soi, de part et d’autre de la Grande bleue. La France a besoin de pétrole et de gaz et, donc, d’un changement de géopolitique.

Le 8 octobre

 

Généalogie d’une haine vertueuse

 

 

 

Eva Illouz

Tracts

Gallimard

3€90 € n°60

le8octobre

Quelques remarques, avant d’aller plus avant dans la rédaction de cette fiche. La façon dont le débat public fonctionne depuis de nombreuses années suscite de réelles inquiétudes.

Cela a commencé, il y a longtemps, avec l’indignation portée à la hauteur d’une vertu collective. La Politique (la vraie) exige sang froid, connaissances, esprit critique, effort d’objectivation, largeur de vue, prudence. Rien à voir avec les différentes expressions de la « haine vertueuse », sinon à des fins de manipulation de l’Opinion.

Cela s’est poursuivi avec les années Covid. Avec le recul, la simple observation ne peut que relever les multiples manquements à l’intérêt général, souvent au nom de l’intérêt général …pour le plus grand bonheur de l’industrie pharmaceutique et technologique, des GAFA, des partisans du contrôle social et, bien évidemment, pour les intérêts de l’élite, du moins de la frange de la population qui se conçoit comme telle.

Cela se poursuit avec la façon dont l’écologie et la géopolitique sont maltraitées. Nous avons constaté combien l’industrie des armements de plusieurs pays, dont le nôtre, nourrissait les conflits meurtriers.

Autre point de confusion paralysante : l’opposition Droite/Gauche, dans la pagaille planétaire actuelle, prend une tournure tragique.

Que des personnes issues de la tradition socialiste flattent des religions, qui estiment détenir la Vérité et le Droit (y compris de tuer des civils), qui refusent clairement une distinction catégorique entre l’instance politique et les pouvoirs de leurs clergés, est stupéfiant.

Des éléments de rencontre récents m’ont troublé. Ainsi une vieille relation, un ami marocain intégré de longue date, et que je croise parfois dans la rue, m’a confié qu’il avait, parmi ses proches, un parent juif (tout existe) qui s’attachait à convertir les autres. Jusqu’à présent, j’avais plutôt eu connaissance du prosélytisme propre à d’autres religions ou organisations idéologiques. Ce n'est pas Tom Cruise qui me contredira. Certains français « d’origine » ont pris ainsi le statut de croyants intégristes, de surcroît particulièrement rigides dans l’éducation de leurs enfants. Préoccupant aussi a été le commentaire d’un patient, pourtant cultivé et ouvert, à la vue de ce Tract d’ E.Illouz: « Ce genre de livre devrait être brûlé ». J’ai pour habitude de lire (ou d’essayer lire) des ouvrages qui peuvent développer des éclairages que je ne possède pas. Brûler des livres renvoie à des époques de l’histoire plutôt sombre. Mettre en prison ou ostraciser des écrivains critiques ne peut pas nous satisfaire non plus.

Ces faits d’observation m’interpellent au moins autant que des témoignages ou des images d’atrocités. Nous savons tous de quoi l’humain fanatisé ou revanchard est capable, même si l’époque où des chrétiens précipitaient d’autres chrétiens sur les hallebardes du haut de remparts est désormais lointaine, grâce particulièrement à la dissociation entre l’instance politique et les instances religieuses.

C’est sans doute pourquoi je ne suis pas certain qu’il soit heureux de faire du « 8 octobre », une date historique, justifiant la mise en route de la Loi du Talion. Comme dit approximativement le jeune Lincoln dans un film de John Ford consacré la jeunesse de ce personnage historique : « On commence à tuer une personne puis on continue et on ne s’arrête plus ». Il était évident, d’emblée, que l’Ukraine et la Russie devaient trouver un compromis mais nous avons courageusement mis de l’huile sur le feu, histoire probablement d’écouler des armes et de se mettre à dos les deux protagonistes. Nous pouvons aussi bien dénoncer tous les communautarismes et tous les nationalismes dès lors qu’ils s’éloignent de la prise en compte de l’intérêt général et de la paix nécessaire.

Au-delà des faits de terrorisme, ce que relève Eva Illouz est le positionnement d’intellectuels et de groupements politiques, s’étant réjouis des évènements du 8 octobre en termes jubilatoires, au spectacle des images diffusées sur les réseaux sociaux. Il s’agirait donc d’un débat franco-français.

Le dernier ouvrage de Bayard « Aurais-je été sans peur et sans reproche ? », prenant rétroactivement position contre les Croisades et les guerres d’Italie, incite à plus de retenue, sans même besoin de convoquer Érasme.

Un fait troublant (p15) : 33% des américains juifs de moins de 40 ans étaient d’accord, fin 2023, avec l’affirmation selon laquelle « Israël commet un génocide contre les Palestiniens ». Une fraction de ce groupe est même acquis à l’idée de la suppression de l’Etat d’Israël. Une étude affinée établit que les juifs favorables à cette lecture génocidaire sont issus des sciences humaines. Plusieurs universités nord-américaines ont repris à leur compte la French theory apparue à la fin des années 60. Celle-ci associait deux éléments : le rejet de l’universalisme des Lumières (reflet agnosique de l’universalisme chrétien) et, par la même, le rejet de la civilisation occidentale.

Eva Illouz cite comme penseurs nourriciers de ce mouvement anti-impérialiste et anticolonialiste, Sade, Nietzsche et Heidegger. Les tenants de la French Theory, au premier desquels se situent Jacques Derrida mais également Deleuze, se détachent de l’analyse du réel et de ses contradictions économiques, sociales et culturelles, pour privilégier les « textes ». La société devient (p17) « un vaste réseau de signes, de textes, de discours ». Les déconstructivistes s’en prennent à toutes les formes de pouvoir. « La déconstruction est « dérangeante », « perturbatrice », elle « démasque », « subvertit », « démonte », « démantèle », « révèle », « défie ». (p20). Ce courant s’éloigne de Marx qui, certes, s’appliquait à critiquer les concepts-écrans, pour mieux s’attacher à comprendre le réel et à dégager des solutions plus heureuses que les règles antérieurement établies. L’analyse critique se prolongeait ainsi en force de proposition, se distinguant catégoriquement de la « critique critiqueuse » que Marx abhorrait. (p21).

Au fond, les vraies questions sont simples. Il est probable que la création de l’Etat d’Israël n’a pas été une bonne idée. Le bellicisme n’est pas une bonne idée, non plus, d’où qu’il vienne.

Le « Ce n’est pas moi qui ai commencé » serait puéril s’il n’était pas meurtrier. D’autant que ceux qui ont commencé, ne sont pas forcément les juifs ou les arabes mais les européens qui ont trouvé judicieux de greffer un État juif, au milieu d’États arabes.

Au XXIème siècle, est-il possible de dire que les religions fanatisées ainsi que toutes les constructions idéologiques de la Modernité tardive nous fatiguent, tout autant que les élucubrations des mégalomanes du numérique ?

Une religion n’est acceptable par tous que si elle est synonyme d’éthique, d’ouverture d’esprit et - qui sait pourvoyeuse - de tolérance !

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