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Les fiches livres

L’amour au temps des protocoles

Wilhelm Reich

Et les paradoxes

De la Libération sexuelle

 

Pierre Bourlier

La lenteur

16€, 200 pages

L Amour au temps des protocoles

 

L’auteur se propose de faire réfléchir à ce qui pourrait se nommer la misère sexuelle au temps de l’industrie de l’image, orchestrée par les Big DATA. Il choisit d’étudier les théories émancipatrices de Wilhelm Reich, une référence idéologique – avec Marcuse – pour le mouvement de mai 1968. Avec le recul des années écoulées, ce mouvement a surtout conforté le néolibéralisme financier et institutionnel, la mise sous contrôle et l’abrutissement des populations.

Reich aurait été fasciné, enfant, par la sexualité des animaux de la ferme paternelle. Il aurait subi les conséquences de sa dénonciation auprès de son père de la relation adultérine de sa mère avec son percepteur ou précepteur. Elle se suicida après sa révélation. Il crut faire science, comme médecin et psychanalyste, avant de basculer dans la folie. Il était ainsi convaincu d’avoir inventé un « brise nuage », un cloudbuster. Il mourut en prison à cause de son entêtement qui avait pris une tournure délirante.

Il n’en reste pas moins que Pierre Bourlier pose une question de fond : qu’est devenu l’amour – nous pourrions dire aussi bien la vie ou même l’alcoologie relationnelle – au temps des protocoles numériques ? Cette question reste sans réponse au terme de la découverte de son ouvrage.

Dans son introduction, Bourlier souligne ce qui est devenue une banalité, un « truisme » : le triomphe de l’hédonisme propre à la société marchande, dévalorisant tout ce qui entrave la satisfaction. La jouissance est devenue un mot d’ordre public, une norme industrielle. Elle n’est plus seulement une expérience personnelle plus ou moins contrôlée par la morale et l’éthique. Elle est aussi un comportement formalisé, géré, exploité, l’objet de techniques et de commerces. Jamais sans doute le plaisir n’a été à ce point régi et déformé par des raisons sociales et financières. Nous avons à nous défaire de la légende de la libération. Les interdits et les incitations prospèrent. Les dérégulations se réalisent par une prolifération de règlements. Le fais-toi plaisir promu par l’hédonisme marchand n’est pas – à l’évidence – une libération. Il constitue une injonction morale, une nouvelle forme de contrainte qui s’ajoute aux précédentes. L’hédonisme marchand est en lui-même coercitif dans la mesure où il nie tout ce qui ne convient pas à son impératif de profit. Il détruit les formes de vie naturelles des couples, standardise et met en boîte les sensations. Il perpétue à sa façon la morale : une mauvaise conscience qui s’exprime en un langage technologique et sanitaire. L’individu agit avec les mots et les gestes de son temps. Il est porté et traversé par les forces et les significations de sa culture, elle se mélange et se bouscule en lui, suscitant des contradictions dont il n’est pas l’auteur. L’auteur termine son introduction par un objectif : la critique de notre époque libérale-administrée, en expliquant comment les vérités formelles s’accommodent d’une altération de la liberté véritable, et comment ce manque fait prospérer une mystique de la délivrance qui traverse toute la culture actuelle jusque dans ses dérives techno-scientifiques.

Pour la petite histoire Wilhelm Reich est né en 1897 en Galicie au sein de l’Autriche Hongrie de l’époque. Il devint psychiatre, un temps proche de Freud, avant d’évoluer pour son propre compte. Sa réflexion appauvrit plus qu’elle ne complète la pensée de Freud

La libido sexuelle, plus ou moins réprimée et refoulée – nous le savons – est à l’origine d’une énergie sublimée que l’on peut transposer de façon plus ou moins heureuse sur d’autres objets de satisfaction.

Reich met l’accent sur la jouissance sexuelle en tant que telle et sur la nécessité de faire sauter le couvercle de la pression morale pour la satisfaire. Certes. Ses propos ont trouvé un écho puissant dans la société d’aujourd’hui. L’Humanité a donné libre cours à ses pulsions primitives, notamment sexuelles et agressives : comme par le passé mais autrement avec d’autres acteurs. Pour autant, les capacités de discernement et le goût de la liberté sont en recul. Nos vies sont contingentées par une emprise technocratique croissante. La logique marchande nous dicte ce qu’il faut désirer. La bureaucratie use et abuse du numérique et des médias pour nous soumettre et faire de nous des imbéciles.

Le discours dominant s’oppose à l’expérience directe. Celle-ci se distingue paradoxalement (p82) de la science expérimentale qui tend à simplifier des phénomènes pour les reproduire, en utilisant une « quincaillerie de laboratoire ». La science en tant que telle n’est pas critiquable dans sa rigueur et ses recherches. Ce qui pose problème est de l’imposer comme approche unique du réel, en excluant la force des subjectivités et de l’irrationnel. Bref, il n’est pas recevable de brouiller nos capacités d’observation et de déduction au nom de la science, au moment où elle devient l’alibi d’une intention politique. L’exemple du Covid illustre ce que nous voulons exprimer. Les arguments scientifiques et ce qui accompagne sa logique sont les mêmes que ceux du scientisme qui imposent une (vérité) assise sur des chiffres et des statistiques que l’expérience quotidienne et avec ses contradictions viennent infirmer.

Nous avons tort de confondre science et progrès pour l’humanité : dans la mystique progressiste, chaque nouvelle découverte, chaque nouvelle invention porte la promesse d’une révolution, d’une libération, de l’avènement d’un monde sans malheur (p91). Le discours scientifique remplit ainsi une fonction sociale d’illusion collective au même titre que les discours religieux ou politiques.

« Peur d’être exclu, de ne pas y arriver, d’être affligé d’une incapacité au bonheur (p118) : cette angoisse est proportionnelle à la pression qu’exerce le modèle de la santé. Peur des maladies et des douleurs, que la société cultive et valorise au même titre que le plaisir. Et finalement peur de tout le reste, peur du monde et de l’histoire, peur de la liberté et du contact avec la réalité, peur de soi et de l’isolement.

On se crispe sur le comportement hédoniste prescrit, parce que, en dehors de lui plus rien n’est satisfaisant, tout est menaçant. La société marchande cultive un imaginaire sexuel en compensation d’une désérotisation générale de la vie.

Cette société affirme produire et défendre un espace où est possible une vie heureuse et libre. Puisqu’elle promeut en fait une vie misérable, elle doit la faire valoir contre tous les malheurs du monde. Le terrorisme permet d’entretenir l’atmosphère de peur dont l’ordre social a besoin. Il renforce les pouvoirs qui luttent et se montrent en lutte contre lui, justifie leur état d’urgence quasi permanent, leur mentalité policière et leur représentation du monde manichéenne (p119). La période Covid a démontré « ce lien fonctionnel entre médicalisation et usage politique de la terreur ».

Notre commentaire : Puisqu’il y aura toujours des joies et des peines, des heurts et des malheurs, notre liberté et notre disposition au bonheur dépendent de notre capacité à les traverser. La santé ne se résume pas aux actes médicaux et chirurgicaux. Elle se définit avant tout comme l’existence de capacité par lesquelles l’organisme réagit lui-même aux perturbations et rétablit son équilibre. A propos de la « désinhibition contrainte », Pierre Bourlier souligne qu’il ne s’agit pas de libérer l’individu de toute contrainte de tout ce qui entrave sa jouissance. L’épanouissement ne consiste pas à repousser toute limite, mais à vivre pleinement dans les limites éprouvées et vérifiées. Sa vitalité ne se situe pas dans sa capacité à imposer sa volonté, à rendre son environnement conforme à ses désirs et à supprimer toute contrariété, elle est dans sa capacité à réagir à ce qui lui advient, que ce soit plaisant ou perturbant, à vivre avec des faits ou relation dont il n’est pas le maître (p146). « Seule les machines continuent à répéter aveuglément leurs tâches sans qu’on ne les interrompe pas. ». Reich lui-même parle de décence naturelle, de la nécessité de distinguer le désir naturellement auto-régulé du désir déchainé, déréglé, indécent, antisocial. Transgresser l’interdit, se libérer des obligations, abolir le vieux monde sont des scénarios dont l’hédonisme marchand use à tout propos.

Reich à la lumière des événements aussi bien allemands que soviétiques de son temps évoque l’inaptitude des masses à la liberté ce qui remet en cause la façon de concevoir la démocratie. Le manque de responsabilité et la soif d’autorité des masses est en somme le principal facteur de régression sociale.

D’une façon quelque peu lapidaire, Reich estime que le pouvoir des administrations est une conséquence directe de l’inaptitudes des masses à mener leurs propres affaires, à s’administrer, à se contrôler elles-mêmes (p184). La démocratie formelle perpétue l’irresponsabilité des masses.

La mainmise des big DATA sur les moindres aspects de nos existences n’est cependant pas le fait des gens, pas plus que l’esclavage doit-être imputé aux esclaves. Peu de monde croit de nos jours à la démocratie représentative formelle mais il serait injuste et inexact de l’imputer aux « masses ». La responsabilité de la distorsion de la démocratie incombe en premier lieu aux élites et aux sous-élites, les premières parce qu’elles organisent leur système de domination, les secondes parce qu’elles le rendent possible.

Si nous osions un raccourci à la façon de Reich, nous pourrions dire que le malheur du Monde doit beaucoup à la façon dont les élites et les sous-élites usent de leur énergie sexuelle, convertie en besoin de jouissance sans limites, en pouvoir sans limites, comment elles masquent leur insigne médiocrité en belles paroles et leurs peurs en mesures normatives et coercitives.

Au terme du survol de ce livre, nous pouvons rappeler que nous disposons tous d’une part de liberté. Celle-ci repose avant tout sur nos capacités physiques, intellectuelles, économiques et relationnelles. Le monde dans lequel nous vivons est normatif et liberticide. Le pire est probablement devant nous. Raison de plus pour utiliser intelligemment la part de liberté qui nous reste, quelle que soit la place que nous occupons, sans illusion ni désespoir.

Qu’en est-il de l’amour au temps des protocoles ? À chacun de réfléchir aux réponses qu’il donne à cette question fondamentale.

Techno-féodalisme

 

Critique de l’économie numérique

Cédric Durand

La découverte

12€50, 238 pages

technofeodalimse

Le terme de techno-féodalisme est nouveau. Rapprocher l’âge féodal de l’emprise technocratique développée par les géants du numérique peut déconcerter. Cédric Durand est économiste à l’université de Genève. Ses recherches portent sur les mutations du capitalisme à l’heure de la mondialisation, de la financiarisation et des dictatures intellectuelles. L’auteur a ses arguments pour défendre ce terme en référence aux quelques grands groupes qui se partagent ce marché créant un lien de dépendance discrétionnaire entre eux et ses utilisateurs.

J’aime autant dire, d’emblée, sans avoir totalement lu ou parcouru cet ouvrage de lecture peu aisée, ce que je peux penser moi-même de la pertinence de cette expression de techno-féodalisme.

Il est évident que l’ère numérique impacte la planète entière, les us et coutumes de la presque totalité de ses habitants. Elle transforme aussi bien les rapports sociaux que le fonctionnement des Etats et des ensembles économiques. Elle domine les individus, les contrôle, les influence et, au final, les isole, en leur donnant une illusion de liberté, de gain de temps (!)

Les systèmes de production et d’échanges en sont profondément bouleversés. Les Big DATA instrumentalisent le capitalisme productif en imposant de plus en plus la commercialisation virtuelle par le biais des plateformes du type Amazon.

En clair, il s’est créé un nouveau stade du capitalisme mondial, encore plus liberticide et anti-écologique que les autres. Il suffit de savoir comment s’opère l’extraction des terres et des métaux rares en Chine et ailleurs. Le Capitalisme industriel mettait peu ou prou en présence patrons et ouvriers. Il permettait l’expression d’une certaine conflictualité et, par réalisme, une recherche de compromis. Par le pouvoir des grands groupes, les PME fonctionnent comme des équivalents-ouvriers. (Voir le splendide film Un autre monde). La mondialisation disperse et éloigne les agents productifs des lieux de décision et de conception. L’ingénieur qui conçoit le programme numérique ne verra jamais l’ouvrier qui assemble l’outil. Les banques centrales opèrent, protégées par des institutions supranationales, inaccessibles aux citoyens. Elles participent à la mise en coupe réglée des économies nationales. Les Etats ont la charge, dans ce décor de rêve, de fournir les policiers, les soldats et …les juges. Ils deviennent techniquement dépendants, pour la moindre de leur activité, des BIG DATA.

Je voudrais témoigner de la pertinence de ce terme dans le champ de la Santé et plus concrètement dans le fonctionnement de la Sécurité sociale. Mes patients savent que j’ai subi, du jour au lendemain, un changement de la Société qui régit les actes médicaux (Société Orisha à la place de Sephira). J’ai dû deviner que le lecteur de carte vitale devait être changé. J’ai dû me débrouiller moi-même, sans assistance technique, pour rendre fonctionnel ce nouveau lecteur. Ce modèle multiplie le nombre d’opérations nécessaires pour valider l’enregistrement et conforte la sujétion. Il est indispensable de se couper de la relation avec le patient pour mener à bien, sans faire d’erreur, l’enregistrement du mode de paiement. J’enregistre l’acte sur le mode compulsif., comme le rat qui appuie sur la pédale de l’électrode. Il faut être capable de remédier ponctuellement à certains dysfonctionnements aléatoires. La Sécurité sociale, qui a délégué la fonction des paiements à ce type de sociétés, a été incapable de traiter les feuilles de maladie-papier que j’avais dû remplir et faire remplir pendant les semaines de carence aux patients. Plusieurs milliers d’euros ne sont pas réglés car les feuilles de maladie remises dans la boite aux lettres de la CPAM sont introuvables ! L’usage de l’ALD s’est retourné contre moi !

Je suis aussi démuni qu’un serf face à un Seigneur omnipotent. Ainsi, l’informatisation a également cette caractéristique de transformer les Administrations en forteresses inexpugnables.

Pour couronner le tout, grâce à l’Intelligence Artificielle, la moindre anomalie d’une feuille de maladie adressée par un patient suscite le renvoi de la feuille au médecin et, de façon dissociée, la menace d’un prélèvement de la somme payée par la Sécurité sociale sur les sommes qu’elle doit au médecin au titre des tiers-payants. Nous devons identifier, sans même connaître le nom, l’erreur, dans le « lot » des consultations expédiées ce jour-là ! Le médecin est ainsi transformé en « idiot objectif ». Le transfert de charges bureaucratiques peut se complète ainsi d’un non-paiement des prestations et de sanctions financières ! Nous sommes ainsi, revenus, grâce à la numérisation des services, au temps du féodalisme. Cette expression que l’on pouvait juger approximative se révèle exacte, non seulement à l’échelle des DATA, des banques, des institutions supranationales, mais également des différents fiefs bureaucratiques d’un pays.

Le numérique devient ainsi une arme dirigée contre la relation humaine qu’il dénature. Il s’attaque au dialogue intérieur qu’il hystérise. Il traque ou folklorise tout acte alternatif. Il multiplie les Léviathan en donnant tous les pouvoirs aux bureaucraties qui régissent nos vies. Il facilite les incitations permanentes à la haine. Le monde hyperconnecté qu’il a créé génère des solitudes insupportables. Il encourage les addictions les plus misérables. Il participe à l’abêtissement de masse.

Dans son introduction, l’auteur choisit d’évoquer une perquisition dans une société texane spécialisée dans la production de jeux de rôle numériques en 1990. Un livre est, notamment, saisi : « Gurps Cyberpunk ». Son auteur, Lyod Blankenship, dit en substance que « lorsque le monde devient plus rude, les grandes entreprises s’entendent pour former des quasi-monopoles. Comme le féodalisme, c’est une réaction à un environnement chaotique, une promesse de service en échange d’une garantie de soutien » (p10).

La démocratie s’épuise, le contrôle s’accroît, pendant que l’imposition des grandes sociétés s’amenuise passant de 35% à moins de 25% en moins de trente ans.

Misère de l’idéologie californienne

La Silicon Valley se situe au sud de la baie de San Francisco. Elle a été également nommée la porn Valley pour sa concentration en production pornographique. Elle concentre un grand nombre de milliardaires nord-américains et de firmes comme Alphabet, Face Book, Hewlett Packard, Netflix… « Ce lieu particulier est le paradis des start-up. Fortune à ceux qui trouveront la formule magique : la bonne idée, au bon moment, susceptible de se répandre comme une traînée de poudre ». Elles constituent « un imaginaire conquérant fait d’audace, d’ouverture d’esprit et d’opportunités ». Leur création comporte un risque d’échec, 9 fois sur 10 « pour un retour sur investissement potentiellement gigantesque ». Est-ce cela que voulait dire Monsieur Macron, fraichement élu, en 2017, quand il énonçait en anglais « I want France to be a start-up nation » ? Le consensus keynésien de l’après-seconde guerre mondiale misait sur l’action de l’Etat. Le consensus de Washington, à la fin du 20me siècle, sous le double patronage de la Banque Mondiale et du FMI, choisissait, au contraire, de libérer le libéralisme. Le consensus de la Silicon Valley privilégie l’innovation et l’entreprenariat dans le domaine de la connaissance, centrés sur le profit financier, cela va sans dire.

« A la fin du XXème siècle, l’avènement d’Internet crée un nouvel espace social à la croisée de l’informatique, des télécommunications et des médias. L’idéologie californienne est le « produit de l’hybridation de la contre-culture hippie des années 60 et de l’adhésion enthousiaste des nouveaux entrepreneurs au principe du libre marché » (p21). Les rêves du « village global » ont abouti à donner force à un univers orwellien.

  1. L’idéologie de la start-up

Les sympathiques start-up ont pour destin de disparaître, d’être absorbées ou de grossir pour devenir des techno-féodalités. « La start-up n’a rien à voir avec la petite entreprise pouvant prospérer modestement et durablement en servant un marché local et en assurant des revenus raisonnables à ceux qui y travaillent. » (p43)

  1. La préférence pour le contrôle : le paradoxe du nouvel esprit du capitalisme.

« Le siège de Google nous vend du rêve avec ses séances de yoga, ses restaurants gratuits et ses salles de gym ouvertes 24h sur 24. Il met ainsi en scène le monde innocent et ouvert que l’entreprise se propose de faire advenir » (p53).

« Le préparateur de commande d’Amazon exécute pas à pas les instructions transmises par voie numérique via son casque, qui répond aux questions par : « Répétez, ce mot n’est pas compris ».

L’ouvrage comporte de nombreuses références utiles à ceux qui voudraient approfondir encore le degré et les formes d’aliénations induites.

  1. Naufrage du numérique européen

« Les dirigeants européens ambitionnaient en l’an 2000 de mettre l’économie de la connaissance » au premier plan. Or, nous sommes les clients des USA. L’Europe n’est présente que deux fois, en 2023, sur les 50 sites les plus populaires : deux sites pornographiques contrôlés par une société polonaise dont les propriétaires sont des citoyens français (p73)

Il va de soi que ce qui est dit des dirigeants européens s’appliquent à nos politiciens français obsédés par leurs calculs électoraux.

Dès les années 2000, « L’Europe mène à marché forcée ses programmes de dérèglementation et de libéralisation » qui font affaiblir les industries nationales, pendant que la Chine ou la Corée du Sud parvenaient à devenir des leaders mondiaux à partir des investissements publics et des mesures de protection adéquates. (p75).

« L’espace du débat critico-rationnel est étouffé par les deux sources de contrôles que sont l’argent et le pouvoir administratif (p85)

L’idéologie en actes « tend à produire des subjectivités atomisées, cantonnées à un rôle de consommation, obnubilées par les performances individuelles (p85).

De la domination numérique

  1. La dernière frontière

La conquête de l’espace numérique ressemble à la conquête de l’Ouest, pour Indy Johar : « La nature des Seigneurs qui prélèvent les tributs est la même. (p87)

« Le cœur de l’activité d’Amazon est une transformation cognitive de l’accès aux marchandises » (p88).

« Le cyberspace est la dernière des frontières américaines… nous entrons dans de nouveaux territoires où il n’y a encore aucune règle – de même qu’il n’y avait pas de règle sur les territoires du nord-ouest en 1787. (Esther Dyson, p90).

  1. Algorithmes et capitalisme de la surveillance

Une petite phrase résume la situation : « Big Other veille sur un monde d’où on ne s’échappe pas »

Hayek et Keynes que tout oppose s’accordaient sur le fait que l’économie est une source ( ??? oui/non ? ) d’information et de connaissance.

Amazon s’est fait le champion de la recommandation. Google occupe le rôle d’un moteur de recherche incontournable. Il met en valeur, de son point de vue, ce qui est important et de côté ce qui ne l’est pas. Les premiers moteurs de recherche fonctionnaient à partir de mots-clés. Le ciblage est devenu plus éclectique et plus précis. Il est facile de tout savoir sur la cybersécurité, sur la maison intelligente et, plus largement, sur nos besoins commercialisables.  (p105)

Facebook repère et mémorise nos traces, via les applications mobiles.

Pour Judith Duportail : Constamment collée à mon téléphone, ma vie virtuelle a pleinement fusionné avec ma vie réelle. Il n’y a plus de différence. (p117).

La Chine est en pointe dans son élaboration d’un système de surveillance à des fins de pilotage en partie automatique du social (p 141). Le fantasme de l’Etat cybernétique vise à automatiser l’administration. Le petit exemple personnel que j’ai décrit plus haut à propos des relations avec les organismes de paiement et de contrôle de la Sécurité sociale nous donne une idée de ce monde enchanteur.

Nous vérifions de la même manière combien la multiplication des dispositifs de surveillance et de dépistages de la moindre infraction dans nos agglomérations, les rappels aux normes et l’incitation à la méfiance envahissent l’espace public au détriment du respect mutuel au sein de la population. La conduite déviante justifie la surveillance mais d’où vient la conduite déviante ? Comment l’éviter si, réellement, elle doit être modifiée ou empêchée ?

Nous laisserons à des esprits plus affutés que le nôtre le soin de décrypter le chapitre sur les rentiers de l’intangible, même si, intuitivement ou par observation, nous mesurons l’importance, dans nos sociétés, des imposteurs et des détourneurs de savoirs.

L’hypothèse techno-féodale

« Aux IXème et Xème siècle, l’Occident médiéval est une société abruptement hiérarchisée, où un petit groupe de « puissants » domine la masse des « rustres ». Selon Georges Duby (2014), le principal effet de l’organisation féodale est de drainer les surplus collectés vers le tout petit monde des chefs et de leurs parasites pour satisfaire goût du luxe et besoin de « grandeur ». L’Eglise s’inscrit dans cette logique. Elle possède le 1/3 ou le ¼ des terres. Le vassal a une sorte de délégation de pouvoir de son Seigneur et maître. Les serfs sont à la merci de leur Seigneur. Ce modèle a fonctionné pendant 6 siècles.

L’esclavagisme a pris le relais en plusieurs parties du Monde, jusqu’à l’avènement de la civilisation industrielle, en Europe. Celle-ci – nous l’avons déjà dit – a donné lieu à l’expression de la conflictualité entre les propriétaires de moyens de production et d’échange tant que la proximité physique le permettait. Cette conflictualité et la démocratie qu’elle faisait vivre ont été mises à mal par la mondialisation. La numérisation du Monde achève, en quelque sorte, le « travail », au sein de blocs rivaux, en redistribuant la domination de minorités sur des majorités hétérogènes. La domination se nourrit de « persuasion », de manipulation, de contrôle, d’anesthésie et d’abrutissement, de coercition et d’oppositions internes à la masse des dominés. Les addictions participent activement à ce processus. Une limite de ce système de domination est qu’il règne de plus en plus sur une masse de personnes capables de consommer mais non de se gouverner mentalement et, au final, de participer à la bonne marche du Collectif. Il développe une logique de prédation qui fait des émules dans la population.

« L’individu, dans son travail, puis dans toutes les phases de sa vie, se trouve tendanciellement exproprié de sa propre existence. » Comme le souligne le philosophe Etienne Balibar, l’évolution implique une perte totale d’individualité, dans le sens d’une identité et d’une autonomie personnelle ». Cependant, « face aux tentatives de le vider de sa substance, le sujet s’enfuit » (p201).

« Par la négation de l’autonomie autonome créatrice, les subjectivités individuelles et collectives sont disloquées. Les individus ne sont plus rien. Les épidémies contemporaines de souffrance professionnelle procèdent en partie une telle dynamique de désaffection. Avec la poussée techno-féodale, la logique de l’écrasement avance au grand galop. » (p221)

La vie semble « appartenir à la main invisible des algorithmes »

Quelles sont les alternatives à ce monde toujours plus sous contrôle ?

Que faut-il pour que nos élites et sous-élites prennent conscience des conséquences destructrices de leurs choix ?

Quand arriverons-nous à un usage raisonné et humanisé du numérique ?

A partir de quand, les populations sauront-elles dire non ?

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