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Les fiches livres

Ce que le militantisme fait à la recherche

Nathalie Heinich

Gallimard, Tracts, n°29 2021

3€90, 42 pages

 

 

Il est toujours dangereux de se placer frontalement sur le terrain de la polémique. On adopte alors une présentation de la problématique en cause qui suscite généralement des affrontements superficiels, stériles et répétitifs.

Dans une controverse, la clé se situe dans les prémisses, les présupposés. Si l’entame est fausse, l’argumentation peut être logique mais l’orientation du discours en restera faussée.

Les sujets d’actualité ont l’inconvénient supplémentaire d’être contaminés par la logique passionnelle des « camps ». Les « pour » s’opposent aux « contre », sans rechercher d’autres façons de voir et de possibles compromis. Ceux-ci pourraient prendre en compte les vérités contradictoires et partielles. Le pire pour les convaincus serait d’aboutir à une synthèse harmonieuse ou à une alternative à deux impasses irréductibles. La passion triste aveugle et nourrit la médiocrité.

La tonalité de l’essai de Nathalie Heinich porte l’empreinte d’une colère ancienne. D’autres de ses essais ont critiqué le dévoiement idéologique, militant, de la sociologie. La sociologie, science humaine, s’est, selon elle, disqualifiée comme science. La recherche en sociologie se serait appauvrie. Elle aurait régressé. Si nous avons en mémoire ce qui s’est produit en trente ans dans le cadre de l’alcoologie, nous ne pouvons que valider ce qui s’apparente à un mouvement général de régression critique. La sociologie inspire ou relaie les thématiques sociétales à la mode. Elle semble incapable, désormais, de justifier sa raison d’être : la prise de recul, l’effort de neutralité.

Les sociologues, comme d’autres professions intellectuelles, semblent avoir négligé le « terrain ». Dès lors, il n’est pas étonnant de retrouver deux biais cognitifs qui entravent l’esprit critique et la lucidité qui pourraient en résulter : le biais de confirmation et le biais de cadrage. Le premier sélectionne ce qui convient à son préjugé de départ, le second écarte de son horizon ce qui pourrait l’affaiblir ou le détruire.

Le résultat peut être estimé pitoyable pour qui attache de l’importance à l’exactitude.

Nathalie Heinich met en exergue la responsabilité de Pierre Bourdieu et du courant qu’il a inspiré, l’évolution de la sociologie en « sport de combat » militant. Sans doute. Cependant, quelle science humaine a le pouvoir de s’émanciper d’une lecture politique de la société ? Ce que l’on peut attendre d’un scientifique et, plus largement, d’un esprit pondéré, c’est qu’il ne se laisse pas aveugler par ses passions, des préjugés, ses propres besoins d’aveuglement, qu’il s’attache à rester prudent, humble, aussi rigoureux que possible.

Nathalie Heinich a raison sur le fond : les scientifiques, comme tous ceux qui ont en charge une partie de la vie publique, ont un devoir de recul face aux passions qui agitent la société. Doit-on et peut-on, pour autant, être neutre dans le champ scientifique considéré ? Certainement pas quand il s’agit de sciences humaines en raison même de la complexité de l’objet étudié.

Une erreur persistante est de confondre les sciences humaines avec les sciences dures dont les données sont reproductibles. Deux et deux feront toujours quatre. Les sciences dures, inspirées des mathématiques, peuvent voir leurs conclusions validées par la preuve. Il est en malheureusement autrement pour les sciences humaines qui requièrent un effort d’honnêteté, gouverné par le doute méthodique et la prise en compte du caractère contradictoire, partiel, aléatoire et changeant de toute affirmation. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est ce qui fait leur grandeur.

Que des chercheurs fonctionnaires, rétribués par l’Etat, utilisent leur parcelle de notoriété pour déverser leurs certitudes est un problème de microcosme, d’égo-grégaires en quête de réassurance. Leurs prises de position font partie de l’air du temps. Peu importe qu’ils se trompent s’ils le font avec suffisamment d’assurance. Peu importe si les chercheurs, comme les journalistes et nombre d’acteurs médiatiques, induisent en erreur, puisqu’ils ne feront pas les frais de leurs prises de position.

 

Raison et dérision

Xavier Gorce

Gallimard, Tracts, n°28 2021

3€90, 39 pages

 

Xavier Gorce a été dessinateur humoriste au journal Le Monde pendant 19 ans. Il a démissionné, après que le quotidien a jugé bon de présenter des excuses pour un de ses dessins. Celui-ci tournait en dérision le tumulte créé par la publication du livre de Camille Kouchner, La familia grande, évoquant les turpitudes pédophiles de son beau-père. Il n’aura pas l’occasion de récidiver en mettant en image les révélations d’une journaliste-star de la TV sur l’addiction sexuelle de celui qui aurait pu être notre Président.

Le numéro n°28 de Tracts présente quatorze de ses dessins dépouillés, dont le personnage est un pingouin stylisé. Le texte est court mais explicite.

Gorce précise que sa décision a été prise à froid. Il est clair qu’à un moment la soumission devient acquiescement à l’insupportable.

Il donne deux explications convaincantes à la censure différée dont il a fait l’objet. La première est la tutelle réalisée désormais par les réseaux sociaux sur la liberté d’expression. La seconde se situe dans le fait que la bien-pensance a gagné les salles de rédaction et les maisons d’édition. Nous ne sommes plus en démocratie, même si, par comparaison avec d’autres pays, nous pouvons nous satisfaire de ses restes et tenter d’en faire bon usage.

Le fonctionnement des activistes des réseaux sociaux est résumé. Dans un premier temps, un propos écarté de l’idéologie terroriste en cours est repéré : « Peu importe que le propos (ou le dessin) soit problématique. L’important est qu’il puisse paraître l’être, car il ne s’agit pas d’interpeller, de débattre ou de questionner le fond mais de s’en servir comme d’un chiffon rouge quitte à le surinterpréter, le décontextualiser ou à en tordre le sens ». La seconde étape est de rameuter les vertueux virtuels. La troisième est de cibler les « comptes » des journalistes pour les conduire à faire connaître le « scandale ». Le phénomène participe à la culture « Woke ». Activistes des réseaux et journalistes complaisants sont les hérauts d’une sociologie de minorités. Ils se « voient comme des justiciers au service de causes sociales à relayer dans l’opinion ». Par malchance, les justiciers ne se soucient pas de comprendre la société et moins encore de prendre en compte l’impact des addictions et des carences de l’accompagnement psychothérapique.

Concernant le dessin de presse ou d’édition, Gorce souligne qu’il est universel, ciblé sur l’actualité et qu’il aide le lecteur, par l’humour qu’il véhicule, à quitter le registre de l’émotion pour celui de l’esprit critique. C’est le choix que nous avons fait pour Anesthésie Générale, en sollicitant le talent de dessinateur de François Gonnet, en ajoutant une légende de notre main aux croquis.

Le jeu des images d’écran établit « un nouveau rapport à l’événement placé sous l’angle du spectaculaire, du sensationnel et de l’émotionnel… Les images se substituent au réel ». « S’effiloche ainsi, par la perte de distance, la compréhensions des événements au profit de l’émotion qu’ils peuvent susciter ». L’idéologie compassionnelle implique de se poser en victime, et d’avoir, si possible, ses martyrs. « Subordonner le vrai au moral, c’est le projet de tout fondamentalisme ». « La liste est longue des sujets pour lesquels prendre de la distance avec la cause ou émettre un simple questionnement vous range dans le camp des réacs » et …des ennemis. « L’humour permet de s’écarter délibérément de l’indignation… L’humour est systématiquement combattu, souvent violemment, par les idéologues, les fondamentalistes et les activistes militants ».

L’auteur n’avait pas apprécié non plus le « indignez-vous » de Stéphane Hessel, un beau succès d’édition de masse. La radicalité des positions, souligne-t-il, n’est souvent qu’une posture. Il cite Umberto Eco : « Les réseaux sociaux ont donné le droit à la parole à des légions d’imbéciles qui avant ne causaient aucun tort à la collectivité ». Ce genre d’interventions témoigne avant tout d’un narcissisme affirmatif qui nivèle toute hiérarchie du savoir ».

La conclusion est facile à trouver. Elle se situe dans l’effort d’exactitude, la prudence avant les affirmations, le refus des particularismes d’exclusion ou d’assignation, des censures, des injonctions à « penser lisse ».

 

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