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Les fiches livres

L’homme désincarné

Du corps charnel

Au corps fabriqué

Sylviane Agacinski

Gallimard, Tracts, n°7 2019

3€90, 42 pages

Sylviane Agacinski fait honneur aux intellectuelles françaises par sa lucidité et son courage, à contre-courant des modes idéologiques. Son essai annonce d’emblée ce dont il va être question : l’individu hypermoderne « s’est convaincu qu’il n’était rien d’autre qu’un produit de sa culture et de ses techniques. Il se veut le fabricant de lui-même et de ses descendants ».

L’hubris – la démesure – récuse le bon sens que devraient nous inspirer les lois naturelles. Cet hubris trouve une source dans la croyance que l’homme peut disposer de la nature et en faire ce que bon lui semble, sans se soucier des conséquences. « Les nouveaux croyants entendent échanger leurs vieilles tuniques de peau » contre un corps retravaillé selon leurs goûts : « corps restauré et augmenté, corps fabriqué sans père ni mère ; corps reconstruit et neutre ; corps de moins en moins vulnérable (à voir !) mais de moins en moins vivant ».

Ce type de dérive n’est pas sans fortes similitudes avec la façon dont vit l’homo addictus, avec ses produits, son agir et son fonctionnement mental, sans limites ni éthique.

On attend désormais du médecin – à l’heure des déserts médicaux, de la réduction du budget de la Santé – « qu’il dépasse sa mission thérapeutique pour assurer une fonction anthropotechnique, autrement dit qu’il nous permette non seulement de réparer, mais de refaire, de façonner, de corriger, de rectifier le corps humain, et même » de le créer.

L’auteur réalise un historique argumenté de la procréation artificielle, jusqu’à la mise en place du « baby business ». Le marché mondialisé n’hésite pas à proposer, de ce point de vue, le meilleur rapport « qualité/prix » avec « un diagnostic préimplantatoire légal (permettant le choix du sexe et assurant un enfant en bonne santé), complété par le choix du donneur de gamètes selon le phénotype souhaité (européen, asiatique ou africain).

En contraste absolu : « Paul Ricœur définissait la visée éthique par l’union de trois exigences : le souci de soi, le souci des autres et le souci des institutions justes ». Si l’éthique s’effondre, le Droit peut autoriser le n’importe quoi. Une sorte d’ennui triste saisit le lecteur à l’énoncé des étapes du « droit à l’enfant », qui fait fâcheusement écho au « désir d’enfant » exprimé avec force par des adultes dont les difficultés psychiatriques sont aussi manifestes que leur marginalisation sociale assistée.

Le n’importe quoi est porté à un degré supplémentaire avec le transsexualisme, qui revendique la possibilité de porter atteinte à son corps, par la chirurgie et les injections hormonales, pour le rendre conforme à ses préférences sexuelles. Pourtant, quels que soient les simulacres technologiques et chimiques, un homme reste un homme, une femme, une femme. La génétique et les lois de la reproduction nous rappellent que nous sommes une espèce animale hétérosexuelle, de surcroît mortelle, n’en déplaise aux délirants du transhumanisme. À force de démesure, nous devenons des animaux dénaturés. La perversion devient une façon d’être au monde.

Il semble se creuser un fossé croissant entre les droits à l’enfant et les droits de l’enfant, une confusion entre l’égalité sociale entre les sexes et l’interchangeabilité des sexes. Faute que les droits aient été préservés et mieux encore intégrés par les adultes, parallèlement au nécessaire apprentissage éducatif, de plus en plus d’enfants développent des troubles de la personnalité, des difficultés cognitives, émotionnelles, identitaires et relationnelles. Ils ont manqué de sécurité affective et de repères. Ils basculent avec d’autant plus de facilité dans les addictions et c’est ainsi que la boucle est bouclée.

 

Le Titanic fera naufrage

Pierre Bayard

Les éditions de minuit

 

Pierre Bayard poursuit, avec cet ouvrage, sa démonstration visant à établir la valeur prédictive de la littérature et sa place parmi les sciences humaines.

Pour nous, le titre a surtout une valeur de métaphore, à condition de décliner la phrase au présent.

Sans vouloir jouer les Cassandre et cultiver le pessimisme, c’est notre modèle économique et sociétal qui prend l’eau.

La valeur prédictive de la littérature est d’ores et déjà établie. La Béotie, Orwell et Huxley pourraient être pris pour des journalistes de notre quotidien.

Les créateurs peuvent avoir une capacité d’anticipation impressionnante. D’où vient-elle ? Dans leurs aptitudes à saisir l’immuable dans les processus de changement, peut-être. L’immuable, dans l’histoire du Titanic, c’est la démesure – l’hubris grec – et la croyance en la toute-puissance bienfaitrice de la technologie. Nul ne s’attarde d’ordinaire à considérer le « facteur humain » comme limite, surtout pas ceux qui considèrent que le progrès consiste à développer l’intelligence artificielle, à concevoir un « homme augmenté » par ses prothèses, au premier rang desquelles figure un objet numérique devenu totalitaire.

Au fond qu’est-ce que l’imagination, si ce n’est une aptitude à établir des analogies, à tirer parti de l’observation pour fournir une version du réel à venir ?

Pour en revenir au livre de Bayard, il faut reconnaître que la publication de Futility par Morgan Robertson, 14 années avant le naufrage du Titanic, peut impressionner par la multitude de coïncidences entre le roman et le naufrage ; Dans le roman, le paquebot a pour nom Le Titan.

Nul besoin de faire intervenir la pensée magique pour souligner la valeur prémonitoire de certains romans. Robertson, « fils de capitaine et lui-même marin, était un spécialiste des histoires maritimes. Il avait suivi le projet de construction d’un navire géant, Le Gigantic ».

Le bon sens peut être au service de la créativité. Le cinéaste Akira Kurosawa a averti le gouvernement japonais du risque de faire cohabiter dans la même zone géographique une centrale nucléaire et une chaine de volcans, visibles ou immergés. Son film « Rêves » se présente comme une série de court-métrages. L’un d’eux, le sixième, intitulé « Le mont Fuji en rouge », est composé de deux parties. La première montre un jeune homme « essayant de se frayer un chemin dans une foule en panique ». Le mont Fuji est entré en irruption. La seconde séquence montre l’arrivée d’un nuage coloré examiné par le jeune homme et deux autres personnages. La foule précédente a disparu, englouti par l’effet d’un tsunami. Le nuage qui se rapproche, avec ses nuances de couleurs est hautement radioactif. Il va tuer aussi inexorablement que l’irruption du volcan Fuji ou le tsunami. La catastrophe de Fukushima a vérifié la prédiction du cinéaste d’un pays qui a eu le privilège de subir la destruction de deux villes par la bombe atomique, en conclusion de la Seconde Guerre Mondiale.

Pour en revenir à l’image du Titanic, la métaphore convient admirablement à l’évolution de notre société. Les cales sont envahies, avec la destruction des structures économiques que cela suggère. L’eau monte de plus en plus dans les coursives, emprisonnant de plus en plus de groupes sociaux et les privant de contact. L’orchestre, à savoir la communication, continue de répandre ses mélodies. Des craquements se font entendre. Les élites des étages supérieurs s’inquiètent à peine. Quelques-uns regardent peut-être déjà vers les canots de sauvetage.

La littérature comme le cinéma est parfaitement capable d’anticiper. De ce point de vue, la crise induite dans la production cinématographique va sans doute favoriser la grosse industrie du cinéma au détriment des films intéressants. La production culturelle doit de plus en plus tenir compte des exigences des éditeurs et de leurs collections, avec l’effet normatif que cela suppose. Bref, l’écriture pénitentiaire s’impose aux esprits soucieux de liberté critique. Les œuvres de création peuvent et doivent participer à l’indispensable résistance. 

 

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