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Comancheria

 

Hell or high water

 Réalisation : David Mckensie

Scénario : Taylor Sheridan

Date : 2016 / USA

Durée : 102 mn

Acteurs principaux :

Jeff Bridges : ranger Marcus Hamilton ; Ben Foster : Tanner Howard ; Chris Pine : Toby Howard ; Gil Birmingham : Alberto Parker ;Margaret Bowman : la serveuse

A/ SA

Mots clés : Fratrie – Endettement − Violence – Lien social – Machisme

 

 

 

Le second titre de ce western policier est « Au-delà de l’Enfer et du Déluge », référence biblique, pour figurer une réalité invivable. Comancheria est l’ancienne appellation d’un territoire occupé par le peuple comanche avant l’extermination civilisatrice. Du mauvais côté – mais est-ce bien sûr ? – deux frères, un méchant, Tanner, caractériel et violent, un gentil, Toby, qui a décidé de faire appel au savoir-faire de son aîné.Ce dernier est disponible : il vient de sortir de prison. Le but : récupérer auprès des agences locales de la Texas Midlands Bank l’argent usurier qui hypothèque la ferme familiale. Le film commence par la découverte de la chambre occupée par la mère jusqu’à son décès. Une perfusion est encore accrochée à sa potence. Le père était une brute alcoolique. Il a certainement été ‘‘suicidé’’ par Tanner. La nouveauté est que la terre aride de l’exploitation en déclin est riche de pétrole. Vestige du passé : on voit encore passer quelques troupeaux de vaches accompagnées de leurs cow-boys. Le plan de Tobyest simple : il rembourse le prêt grâce à quelques casses −seules les petites coupures sont raflées pour ne pas se faire repérer−, il donne la ferme en héritage à ses deux enfants, un mince et un enveloppé, ainsi qu’à leur mère puisque, évidemment, le couple s’est séparé. Un passage dans un casino permet de récupérer en chèque une partie de l’argent volé, avant sa remise à un avocat complaisant qui se chargera d’effacer l’hypothèque. 

Hélas, avec un abruti violent comme partenaire, les dérapages ne tarderont pas à se produire induisant la fin tragique de ce western, sous un soleil de plomb, grâce au fusil à lunettes du vieux ranger qui vengera ainsi son adjoint d’origine comanche, qu’il abreuvait de propos amicalement racistes. 

Il fait soif. La bière est la véritable héroïne de l’histoire. Elle est omniprésente et s’ingurgite à tout propos, tout comme s’exhibent les fusils, mitraillettes et revolvers. Tanner choisit de faire diversion au volant du quatre-quatre criblé de balles, alors que Toby s’enfuit, légèrement blessé, avec le dernier magot, dans une voiture laissée en attente pour égarer les recherches.

Il aperçoit un serpent à sonnettes sinuant contre le rocher où Tanner vient d’être exécutéà distance, assis sur son rocher, figé comme le penseur de Rodin. Est-ce l’âme du frère sacrifié qui s’éloigne de la dépouille ?

Au Texas, le port d’armes et les échanges de balles sont desmarqueurs indispensables de virilité. Les femmes font à peine partie du décor : une serveuse arrondie, avenante et dépoitraillée, qui essaie de draguer Toby, morose, devant son assiette, une autre jeune femme, plus entreprenante encore, qui voudrait bien donner quelques satisfactions au ténébreux Toby, installé, cette fois, au bar. 

Les ravages de l’obsession

L’alcool est associé, ici, à la pauvreté matérielle et culturelle. Il accompagne la routine insipide d’un quotidien dépourvu de grâce, de poésie et d’enthousiasme. Certes,l’histoire met en scène l’amitié contrastée de deux frères, opposée à celle des deux Rangers, attachés à leur capture. Elle se veut morale puisque les voleurs – les banquiers – sont payés avec l’argent qui leur a été volé. Au final, les duos s’autodétruisent, laissant deux survivants qui pourront peut-être se comprendre et s’apprécier. 

La quête de l’argent, moteur de l’histoire, comme celle de l’alcool, a des effets collatéraux – quelques morts par ci, par là – avec des solitudes fortes encore dans un désert de sens. Le message qui pourrait se dégager est que l’argent est un équivalent-alcool. La dépendance à l’argent est partie d’un besoin pour devenir une fin en soi. Sa recherche obsessionnelle détruit sur son passage tout ce qui fait l’intérêt d’être en vie.

L’alcool appartient aux rituels masculins. La société qu’il contribue à façonner est d’une rare indigence.

Là ou règne l’alcool, le pétrole et les banques, il n’y a pas de place pour les femmes, les enfants et les pacifiques.

Ce film explique très bien l’élection de Donald Trump. Il est difficile de comprendre pourquoi les mêmes se sont enthousiasmés de ce film et indignés de la désignation d’un affairiste dont les caractéristiques incarnent si bien les valeurs texanes.

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Jane Eyre

Réalisation: Cary Joji Fukunaga. D’après le roman éponyme de Charlotte Brontë

Date : 2011 / USA, Royaume Uni

Durée : 120mn

Acteurs principaux : Mia Wasikowska (Jane Eyre), Michael Fassbender (Edward Rochester), Jamie Bell (St John Rivers), Judi Dench (Mme Fairfax), Sally Hawkins (Mme Reed, la tante de Jane), Imogen Poots (Blanche Ingram)

SA/HA

Mots-clés : Maltraitance – condition féminine – éducation − résilience – discernement

 

Cette adaptation du roman éponyme de Charlotte Brontë met en valeur la trajectoire de vie d’une jeune femme. Initialement adoptée, elle est abandonnée dans une pension, dirigée par un pasteur utilisant la maltraitance comme moyen éducatif. Le roman, publié sous un pseudonyme masculin en 1847, connut un rapide succès, phénomène inusité pour l’époque.

Jane a été recueillie toute petite, après le décès de ses parents, par un oncle. A la mort de ce dernier, sa femme, Madame Reed, qui n’aime pas l’enfant, la laisse subir la maltraitance de ses propres enfants, en particulier celle de son cousin John, qui finira – donnée du roman – opiomane et alcoolique. La fillette, habituée de la « chambre rouge », pièce-cachot de la demeure des Reed, finit par se révolter contre sa tante. C’est l’occasion pour celle-ci de s’en débarrasser en la confiant au pasteur Brockelhurst, traditionnaliste et sadique, à l’origine de punitions-tortures à l’encontre des élèves qui ont le malheur de s’écarter de la discipline imposée. Madame Reed a désigné Jane comme menteuse, ce qui dévalue à l’avance toute remarque de sa nièce susceptible d’altérer son image de protectrice, tout en donnant l’autorisation implicite de maltraiter la nouvelle élève. C’est dans ce contexte que Jane arrive à l’école de Lowood. Au sein de l’établissement, toutes les enseignantes n’alignent pas leur comportement sur celui du Directeur. Elles font leur métier en respectant leurs élèves. Jane se découvre rapidement une amie, Hélène, qu’elle va perdre rapidement de ce qu’on appelait à l’époque la ‘‘consomption’’, à savoir la tuberculose. Cette partie de l’histoire renvoie directement à la biographie des sœurs Brontë. Charlotte perdit rapidement ses deux sœurs ainées. Elle mourut, elle-même, à 38ans, certainement enceinte, probablement tuberculeuse. Les années passant, Jane peut quitter Lowood, avec un bagage culturel qui lui permet d’être perceptrice, c'est-à-dire d’assurer l’éducation des enfants de bonne famille.

C’est ainsi − et c’est le début de la seconde partie de l’histoire − qu’elle est admise à Thornfield Hall, un château moyenâgeux, dont le maître a pour nom Edward Rochester. Elle est accueillie par Madame Fairfax, une intendante bienveillante, parente éloignée de Rochester. L’enfant dont doit s’occuper la jeune perceptrice est la fille d’une ancienne maitresse de Rochester. Il n’en est même pas le père. L’enseignante s’occupe efficacement de la jeune Adèle. L’attitude de la jeune femme, douce et déterminée, ne tarde pas à séduire l’esprit tourmenté du maître de maison. Il a l’occasion de découvrir les talents de dessinatrice de la nouvelle venue, sa droiture et aussi son parler contrôlé. Des événements inexpliqués et inquiétants se multiplient. Jane entend parfois des hurlements dans la nuit. Une nuit, elle découvre un début d’incendie qui gagnait la chambre de Rochester. Son intervention sauve ce dernier. Le cœur de Jane est pris à son tour. Elle peut le vérifier en assistant au marivaudage de Rochester et d’une belle voisine, Blanche Ingram, aussi condescendante qu’intellectuellement limitée. Les événements se précipitent avec l’arrivée d’un visiteur arrivé des Antilles, Richard Mason. La nuit même, Jane est appelée à secourir le jeune homme qui vient de subir de profondes morsures au cou. Le mystère des cris, des bruits et de l’incendie est découvert. Le château abrite une folle imprévisible, Bertha, la sœur de l’agressé, l’auteure de sa blessure, l’épouse en titre de Rochester. Depuis quelques heures, Jane, à l’instant même de voir consacrer son union avec Rochester, a appris devant l’autel le « terrible secret » de celui qu’elle a failli épouser. Quelques années plus tôt, Bertha Mason avait été imposée à ce dernier comme femme par son père et son frère. L’état mental de madame Rochester s’était rapidement dégradé. Son infortuné époux avait préféré la garder, isolée dans le manoir, pour lui éviter les conditions de vie alors effroyable des asiles d’aliénés.

Une troisième partie commence. Jane s’enfuie dans la lande et sous la pluie, pour s’éloigner de celui qu’elle aime. Elle va bénéficier de la protection d’un jeune pasteur, St John Eyre Rivers, qui vit avec ses deux sœurs, Diana et Mary. Rivers ne tarde pas à découvrir la véritable identité de Jane qui avait donné le nom d’Elliot pour préserver sa tranquillité. Encore une fois, les événements s’enchaînent. Le quatuor de jeune gens a décidé de vivre en communauté alors qu’en réalité ils ont des liens de cousinage. De nouveau, Jane assure une fonction de préceptrice. Un courrier apprend qu’elle hérite d’un oncle inconnu, qui vient de décéder peu avant dans la lointaine Madère, île perdue dans l’Océan Atlantique. Désormais, Jane est riche. Elle partage l’héritage avec les Rivers. Elle refuse la proposition de mariage du jeune pasteur qui a décidé de rejoindre une mission en Inde. Elle est toujours amoureuse d’Edward.

Le moment de l’épilogue est venu. Jane répond à une intuition. Elle retourne à Tornefield Hall. Elle se trouve confrontée aux ruines du château. Bertha Rochester a réussi à y mettre le feu et a péri dans l’incendie. En voulant sauver les occupants, Edward Rochester a perdu héroïquement l’usage de la vue et une main. Cette amputation vaut pour une rédemption symbolique. Le couple se retrouve au pied de l’arbre où le maître du château avait fait sa déclaration d’amour à la jeune perceptrice. Edward retrouvera partiellement la vue dans le roman.

Les sources de résilience

Notre propos n’est pas de donner une opinion littéraire sur ce chef d’œuvre de la littérature anglaise féminine du 19éme siècle. Nous retrouvons avec plaisir, compte tenu de l’écriture du scénario, la trame du roman gothique avec le vieux château hanté, un lourd secret, les nuits inquiétantes, la lande désolée, le sang qui coule et l’incendie, des coups de théâtre, l’apparition d’un monstre. L’influence d’Horace Walpole, d’Ann Radcliffe se fait sentir. Edward Rochester a lui-même, comme le docteur de Robert Louis Stevenson, ses côtés Jekyll et Hyde, quand il semble vouloir séduire la prétentieuse Blanche Ingram, sous les yeux de Jane, avant de déclarer sa flamme et lui proposer le mariage, ou lorsqu’il montre tour à tour des facettes bienveillantes et peu amènes de sa personnalité. L’histoire rendra compte de ses sautes d’humeur et de sa souffrance. . La jeune fille courageuse triomphe des épreuves, par sa droiture, comme dans les contes de fée... La résilience constitue l’étoffe des héros.

L’émancipation féminine se fait par la culture acquise et elle est toute relative. Jane a pu acquérir les bases nécessaires à son emploi d’enseignante ‘‘placée’’. Elle est ainsi un peu au-dessus du seuil de pauvreté, toute en étant indépendante.

Le portrait de Jane permet de réfléchir aux raisons de sa résilience.

En dépit d’un rapport de forces qui lui est très défavorable dans son enfance, Jane résiste à la malveillance de sa tante et de son cousin John. On peut imaginer qu’elle a bénéficié, au commencement de sa vie, de l’amour maternel et de la considération paternelle. Dès lors, elle peut résister aux propos et comportements qui auraient pu avoir raison de sa résistance mentale. Elle peut avoir vécu la disparition de sa mère comme une injustice, ce qui arme sa révolte. Elle peut symboliquement opposer l’amour à la méchanceté et à la haine de sa famille d’accueil. Elle sait d’où elle vient et qui elle est. Elle ne manque pas de discernement.

Le roman fait mention de tuteurs de résilience du côté de domestiques. Son amie Helen lui assure une précieuse présence affective à Lowood.

Jane a hérité de l’amour parental, comme Cendrillon. Elle se détermine en conscience, avec pertinence. Le message évangélique existe pour elle, indépendamment de la médiocrité de ses représentants officiels. Pour elle, la liberté sexuelle est une question qui ne se pose pas. En conséquence, l’adversité ne peut avoir raison de l’estime et du respect qu’elle se doit. Son éducation spartiate a fait le reste. Nous sommes loin de l’enfant-roi ou même de l’enfant rebelle. Jane se défend quand elle est injustement agressée. Le travail a, pour elle, une valeur d’étayage car il met en valeur ses capacités éducatives et ses connaissances. L’argent ne l’intéresse pas. Sitôt hérité, il est réparti avec son cousin et ses cousines Rivers Eyre. Elle donne son prix à l’indépendance.

Elle sait dire oui ou non. Non à Rochester quand il manifeste un attachement qui passerait outre les règles de bienséance qui sont les siennes. Non à Rivers car ses sentiments sont uniquement fraternels. Oui à Edward quand il est physiquement diminué mais libre d’attache. C’est une héroïne morale qui s’impose dans une histoire mélodramatique. Elle n’a pas le culte de son image. Elle n’use pas de stratagèmes de séduction, mais elle ne refuse pas d’être aimée et d’aimer. Certes, elle manque d’humour et d’impertinence, mais de telles libertés ne faisaient pas partie de son héritage d’orpheline.

Une belle héroïne, pas si éloignée du bon sens tempéré d’ironie, exprimé par la romancière Jane Austen. Charlotte comme Jane était fille de pasteur et donc membre de la classe moyenne de l’époque. Elles s’autorisaient à rêver, non sans esquisser la fragilité des partenaires masculins.

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La fureur de vivre

Réalisation: Nicholas Ray

Date : 1955 / USA

Durée : 111mn

Acteurs principaux : James Dean (Jim Stark), Natalie Wood (Judy), Sal Mineo (John « Platon » Crawford), Jim Backus (Frank Stark, le père de Jim), Ann Doran (la mère de Jim), William Hopper (le père de Judy), Edward Platt (le policier Fremick), Corey Allen (Buzz Gunderson)

AA/SA

Mots-clés : Adolescence – abandon – ordalie – paternité - conformisme

Commentaire et analyse du Dr Gomez

La « fureur de vivre » de Nicolas Ray fait partie de la mémoire du cinéma par la scène de l’ordalie sur la falaise et par la longue séquence finale où Platon, l’adolescent ami du héros finit par être tué par la balle d’un policier, sous les projecteurs des véhicules municipaux. Le film a contribué à lancer la légende de James Dean, mort au volant de sa Porsche, quelques années plus tard.

L’histoire met en scène le désarroi de jeunes américains, grégaires et déviants parce que paumés, encore étudiants, livrés à eux-mêmes, sans autres repères que le modèle de vie confortable, conventionnel et ennuyeux des classes moyennes auxquelles ils appartiennent.

Jim est fraichement arrivé dans la ville. Mal dans sa peau, en souffrance par le fait d’un père inconsistant, il est provoqué par un groupe de jeunes et leur chef Buzz, alors qu’il est attiré par Judy, l’amie attitrée de ce dernier. Après un affrontement non concluant au couteau, Jim accepte le défi du duel en voitures volées se précipitant vers le vide d’une falaise. La manche du blouson de Buzz s’accroche à la poignée de la portière avant le saut et c’est le drame…

En y réfléchissant, la « fureur de vivre » est un titre inapproprié. « La peine de vivre », « L’apprentissage de l’inconsistance », « Adolescences modernes » ou, à la manière des romans de Jane Austen : « Soumission et rébellion » eussent mieux convenus.

A la recherche du père et du sens à donner à sa vie

Un film en noir et blanc eut donné plus de profondeur à la trame dramatique de l’histoire. Le technicolor accentue l’effet daté de l’histoire alors que les questions posées par le film sont d’une brûlante actualité.

Les jeunes de ce film sont visiblement à la recherche d’un père. Platon, le personnage central du film, a déjà été sacrifié par ses parents. Sa mère de substitution est une domestique, noire, évidemment. Le père se contente d’envoyer de l’argent, trop occupé à en gagner encore et toujours plus. Platon est un enfant abandonné, désespérément seul, et ce de fait, attiré par Jim, gentil et solitaire.

Jim n’en peut plus de devoir côtoyer un père émasculé par les femmes de la maison, sa grand-mère dont il défonce le portrait d’un coup de pied, un soir de déception, et sa mère aux petits soins pour lui, incarnation de l’image de respectabilité que doit donner une famille de la classe moyenne. Judy n’a pas achevé son Œdipe. Elle continue à quémander le matin les baisers d’un père également normalisé. Le cinéma américain montre souvent les pères en pyjama. C’est le cas des pères de Judy et de Jim. Celui de Jim franchit un degré supplémentaire en s’entourant d’un tablier pour ramasser un plat de nourriture renversé.

Fremick, sorte de policier-éducateur, apparaît comme un équivalent paternel bienveillant, avec son pistolet qu’il pose sur son bureau, pour dialoguer avec Jim, en fin d’une sortie alcoolisée, où il a été ramassé sur la voie publique. Aux USA, la virilité s’associe au revolver, plus encore qu’à la cigarette et au whisky, attributs partagés depuis le début des années 30 par les hommes et les femmes. Jim, lui-même, joue une sorte de frère-père protecteur dans la séquence finale, répondant au besoin d’amour identificatoire de Platon.

La famille américaine est étouffante, la morale distillée par le film ne l’est pas moins. Qu’est-ce qui est proposé aux jeunes pour s’enthousiasmer et se risquer utilement, faire preuve d’un vrai courage ? Une animation nocturne de la fin de la planète Terre ? Avoir sa voiture ? Aller vite ? S’affronter en bande ? S’exercer à la chasse à l’homme ? Jim, fort de l’amour naissant de Judy, tente l’impossible pour sauver son copain Platon. Le principe de précaution vaincra. Une réconciliation de façade intervient entre Jim et son géniteur, alors que le corps de Platon est amené, revêtu du blouson rouge déposé sur lui par Jim. Le policier bienveillant pourra raisonner d’autres jeunes, les soirs d’ivresse, dans son bureau, au commissariat.

La biographie de James Dean avance que l’idole aurait été abusée sexuellement, dans son enfance, par un pasteur – sujet d’actualité. Dean a eu quelques relations, brèves, avec des femmes et d’autres plus habituelles, semble-t-il, avec des hommes. Il était dans son rôle pour incarner une jeunesse aux repères brouillés, immergée dans le conformisme matérialiste, l’immédiateté et le risque à sensations, détournée du sens à donner à son existence.

Commentaire et analyse de Bénédicte Sellès

Histoire

Ce film culte débute par une scène où on voit le protagoniste, alcoolisé, étendu sur la route. Des policiers le ramassent et l’emmènent au commissariat. Nous apprenons que Jim vient de déménager, il doit s’intégrer dans un nouveau lycée. Il redoute la confrontation avec ses pairs, qui paraissent rarement bienveillants avec lui. Buzz, le chef de la bande des rebelles du lycée, s’en prend à lui. Il le défie lors d’une course de voiture, où il perd la vie. Jim cherche de l’aide auprès des adultes, mais personne ne l’écoute. Il s’éprend de Judy, l’ex-petite amie de Buzz, et tous deux trouvent refuge dans une maison abandonnée près d’un observatoire. Ils sont rejoints par « Platon », le nouvel ami de Jim, qui veut protéger ce dernier des intentions malveillantes des anciens comparses de Buzz. La situation dégénère progressivement vers un dénouement tragique.

Intérêt en alcoologie : La fonction paternelle

Bien que relativement ancien, ce film réactualise la question de la fonction paternelle et de son intégration psychique par l’enfant devenu adolescent. Tout au long du film, nous rencontrons plusieurs figures paternelles, plus ou moins efficaces auprès des adolescents.

  • Frank Stark : le « père-pote »

Frank Stark est le père biologique de Jim. Il se positionne plus comme un ami que comme un père pour son fils, la relation est davantage horizontale que verticale. Lorsqu’il vient au commissariat pour récupérer Jim, il agit de manière complaisante et ne prend pas la situation au sérieux. Il banalise l’alcoolisation de son fils en prétextant que c’est normal à cet âge-là. Il tente même d’amadouer le policier Fremick en lui offrant un cigare. Mais ce dernier refuse, ce qui ne manque pas de consterner Frank.

Deux scènes sont particulièrement illustratives de la défaillance de la fonction paternelle.

Dans la première scène, Jim croise son père, affublé d’un tablier et ramassant un plateau de nourriture qu’il a renversé. Il est consterné, honteux, d’observer son père dans une position passive, soumise, et non pas virile. Frank apparaît comme une seconde mère, comme un substitut maternel qui se plie aux volontés de sa femme, et qui personnifie l’effondrement de la place traditionnelle du père dans la famille. Il donne à son fils une image identificatoire inconsistante, non fiable.

Peu après, il demande conseil à son père. Il lui apprend qu’il doit faire quelque chose dangereux car c’est une question d’honneur. Frank esquive la demande de Jim, croyant que c’est une question piège, et répond simplement qu’il ne prendrait pas de décision hâtive. Il remarque ensuite les tâches de sang sur la chemise de son fils, ce qui ne manque pas de l’affoler en faisant des allusions sur les comportements à risque de Jim.

Il avance qu’il faut se montrer raisonnable en pesant le pour et le contre. Or, Jim n’a pas le temps de faire une liste des avantages et inconvénients relatifs à sa situation. Il demande : « comment dois-je faire pour agir en homme ? ». Autrement dit, il s’interroge sur ce qu’il est en mesure d’accomplir pour se réaliser en tant qu’homme. Frank répond de manière détournée, mal à l’aise, en avançant des généralités : « dans dix ans tu te souviendras de cela en rigolant ». Déçu par le manque de profondeur des paroles de son père, Jim s’éloigne.

Dans la deuxième scène, Jim revient chez ses parents suite à l’accident dans lequel Buzz a perdu la vie. Il a besoin de se confier, de soulager son fardeau en extériorisant ses doutes et ses craintes. Il souhaite obtenir une « vraie » réponse de la part de son père. Jim raconte en toute sincérité l’accident qui vient de se produire, reconnaissant sa part de responsabilité. Le père ne sait pas comment réagir face à la colère de son fils. Il semble effacé, désemparé, dominé par sa femme.

La mère s’emporte, elle juge sévèrement son fils, prétendant que les actes de ce dernier sont dirigés contre elle. Elle pratique admirablement le chantage affectif, en essayant de susciter et d’alimenter la culpabilité de son fils. Jim reconnaît le caractère manipulateur de sa mère, il ose lui rétorquer qu’elle est dans le déni et ne veut pas prendre parti dans le conflit qui est en train de se dérouler. Il exprime son sentiment de honte, d’humiliation, et sa volonté de défendre son honneur d’homme. Il se sent incompris, délaissé par ses propres parents. A ce moment-là, Frank tente de calmer les tensions.

Jim souhaite agir de manière responsable et intègre en avouant ses fautes à ses géniteurs puis en voulant se rendre à la police. Si la loi paternelle fait défaut, peut-être que la loi sociale et juridique pourra ré-instituer la vérité et le soutenir. Seulement, les parents s’indignent, ils veulent taire cette honte qui entache leur famille. Ils se comparent volontiers aux autres personnes impliquées dans l’accident, en alléguant que ces autres n’iraient pas se dénoncer, alors pourquoi eux devraient le faire ?

Jim refuse de devoir porter ce fardeau seul, d’être condamné au silence des non-dits, et donc de vivre dans un monde de faux-semblants en prétendant que rien ne s’est passé. Il ne désire pas rejoindre les valeurs conformistes et superficielles de ses parents. Il veut agir en adulte, selon son éthique personnelle, en étant intègre.

La mère souhaite déménager à nouveau pour ne pas affronter les problèmes qui se profilent à l’horizon. Jim se révolte, il ne veut pas être un alibi et servir d’excuse pour masquer le déni de ses parents : « chaque fois que tu ne peux pas te faire face tu me blâmes ». Il souhaite que justice soit faite, il se tourne une dernière fois vers son père en cherchant désespérément son soutien. Frank demeure silencieux, il se retire de la scène en laissant Jim seul. Pris de colère, Jim agresse physiquement son père. On pourrait croire, comme le craint la mère, qu’il s’apprête à le tuer. En fait, il veut seulement le faire réagir. Or c’est sans effet, et une fois de plus, Jim s’en va, désabusé.

Il ne peut pas s’identifier à son père, qui s’avère incapable d’imposer des limites et de saisir le sens des paroles et des actes de son fils, de se positionner comme principe séparateur et subjectivant pour Jim. Cela explique que le jeune homme en vienne à mépriser et rejeter son père et ce qu’il représente car il ne peut pas se reconnaître en lui. Il tente de s’émanciper de ses figures parentales aliénantes, de se différencier en rejetant les valeurs et principes qu’ils présentent, pour se positionner en tant qu’individu singulier et essayer d’assumer ses propres responsabilités.

  • Le policier Fremick : le père de substitution

Nous rencontrons le policier Fremick au tout début du film, alors qu’un Jim Stark très alcoolisé est amené par des officiers au commissariat de police. Fremick représente le père autoritaire, celui qui applique la Loi, rappelant le rôle du Surmoi dans son rôle interdicteur et réconfortant. En dépit de son caractère bourru, il se prend d’affection pour le jeune homme perdu. Il se montre empathique et bienveillant. Il comprend le sentiment de révolte de Jim contre ses parents, contre ses pairs, et contre la société en général.

Il a une attitude soignante en se mettant à l’écoute de Jim, en essayant de le comprendre, et en lui proposant son aide. En effet, il lui promet qu’il sera présent lorsque l’adolescent aura besoin de lui. Fremick incarne une autorité respectueuse qui prend en considération les affects de l’adolescent, il est en mesure de gagner sa confiance et de lui redonner espoir. Il n’impose pas mais autorise, c’est-à-dire qu’il donne la possibilité à Jim de s’autoriser lui-même, de s’autonomiser, en lui faisant comprendre que c’est possible et accessible.

  • Le père de Judy : le père indifférent

Bien qu’adolescente, Judy se comporte avec son père en se positionnant comme une petite fille qui a besoin de toute l’affection, toute l’attention, toute la tendresse de son père. Elle veut l’embrasser avant d’aller se coucher, mais le père refuse ce comportement qu’il juge puérile. Il tente de recadrer sa fille, un peu trop violemment cependant, car il s’emporte et la frappe sous le regard médusé de la mère. Le père de Judy ne comprend pas les besoins de sa fille, il n’arrive pas à adopter une attitude à la fois bienveillant et autoritaire, mais demeure dans une position autoritaire et toute-puissante que lui octroie son statut de pater familias.

  • Le père de Platon : le père absent

John, surnommé « Platon », vit seul avec la bonne de la maison. Cette dernière remplace les parents du jeune homme, qui sont absents du film mais présents psychiquement dans l’esprit du jeune homme. On comprend que Platon éprouve du ressentiment vis-à-vis de son père, qu’il se sent abandonné, livré à lui-même. Ce qui l’amène à chercher des figures parentales de substitution.

  • Le pair/père héroïque : Jim

Platon est un adolescent timide et discret qui voue une admiration sans limites à Jim. Lorsque Jim et Judy entament une relation amoureuse, Platon vient s’incruster dans l’intimité du jeune couple. Il les considère comme ses parents, ceux qu’il souhaite avoir, ceux dont il a désespérément besoin pour assurer sa sécurité affective. Jim adopte un peu malgré lui le rôle d’un père auxiliaire vis-à-vis de son nouvel ami, même s’il est lui-même un adolescent errant qui éprouve des difficultés à s’inscrire dans le lien social. Il veille sur lui, tout en demeurant dans une relation symétrique.

A la fin du film, il souhaite sauver Platon contre lui-même. Mais son ami est troublé, il croit que tout le monde est contre lui, que personne ne l’aime, que tous ceux qu’il estime vont l’abandonner, comme l’ont fait ses parents. Jim parvient cependant à lui faire entendre raison car il le respecte et le comprend. Or, un policier tire sur Platon en apercevant le pistolet qu’il tient dans sa main (une arme que Jim avait préalablement déchargée afin que Platon ne fasse pas de mal à lui-même ni à autrui).

  • Qu’est-ce qu’un père suffisamment bon ?

Il semblerait qu’un père suffisamment bon soit caractérisé par sa capacité à alterner entre attitude permissive et ferme, par le respect qu’il démontre à l’adolescent, par sa position de tiers dans la relation mère-enfant, par sa fonction d’imposition des interdits, par son rôle de support identificatoire qui transmet son savoir à l’enfant, par sa capacité à jouer et créer, ainsi que par sa fonction d’intégration de la destructivité de l’adolescent. Ces conditions favorisent alors la reconnaissance de l’autorité par l’adolescent.

Ces différentes fonctions paternelles sont particulièrement mises à mal lors de l’adolescence, une période qui induit des remaniements identificatoires, représentationnels et fantasmatiques qui pousse l’adolescent à mettre à l’épreuve ses assises et repères narcissiques pour forger une nouvelle image de soi. Ce passage de transition peut soit renforcer le lien à autrui, soit provoquer une désorganisation du lien social. Pourtant, le conflit avec les parents ou les figures d’autorité est incontournable afin de permettre à l’adolescent de se construire en explorant les limites et en maintenant un semblant de lien, même dans l’opposition.

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