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La loi du silence ("I confess")

Réalisation : Alfred Hitchcock

Date : 1953

Origine : USA

Durée : 95 mn

Acteurs principaux :  Montgomery Clift (Père Michael Logan), Anne Baxter (Ruth Grandfort, l’ex-fiancée), Karl Malden (Inspecteur Larue), O.E. Hasse (Otto Keller, l’assassin), Dolly Hass (Alma Keller, son épouse), Brian Aherne (Willy Robertson, le Procureur), Charles André (Père Millars), Gilles Pelletier (frère Benoit)

SA/ HA

 Mots clés :   Secret professionnel – spiritualité − amour – perversion – apparence

La loi du silence a été tourné au Québec, en un temps où la population catholique y était majoritaire. Un jeune prêtre, Michael Logan, reçoit la confession d’un meurtre par le propre domestique du presbytère, Otto, immigré allemand, accueilli et embauché avec sa femme, Alma, quelques temps plus tôt. Otto s’est affublé d’une soutane de Logan, après avoir assassiné pour son argent un nommé Villette, un avocat vivant en célibataire, dont il s’occupait du jardin.

Avant de faire le choix de la prêtrise, Logan avait eu une histoire amoureuse avec Ruth. Avec la guerre, leurs chemins s’étaient séparés. Ruth avait cédé aux sollicitations d’un homme bien installé professionnellement et amoureux d’elle. Elle n’avait pas cessé pour autant d’aimer Michael ni renoncé à lui. Confronté à la guerre, Logan, bien que toujours amoureux de la jeune fille, avait fait le choix de devenir prêtre. Villette avait découvert le couple, lors de leurs retrouvailles, réfugiés un soir d’orage dans un kiosque de jardin, appartenant à sa propriété. Ce jour-là, Michael avait annoncé à Ruth son choix d’entrer dans les ordres. Par la suite, l’avocat n’avait cessé de harceler celle qui était devenue l’honorable Madame Grandfort, en menaçant de la dénoncer à son époux si elle ne cédait pas à ses demandes.

Le meurtrier avait été aperçu dans son déguisement par deux gamines qui rentraient chez elles. Après le choc de la confession d’Otto, Logan avait découvert la police et un attroupement devant la maison de l’avocat. Il avait pris rendez-vous avec ce dernier pour qu’il cesse son chantage. Des détails fortuits s’étaient ajoutés. Ainsi Ruth s’était rendue devant la maison, sans doute dans l’attente de l’entrevue entre Logan et Villette. L’inspecteur Larrue avait noté leur rencontre, d’une fenêtre de la maison. Désormais, les soupçons allaient converger sur l’infortuné Logan, contraint au silence par son éthique religieuse…

La loi du silence en psychiatrie et en alcoologie

Nous n’insisterons pas sur l’art d’Hitchcock pour créer une atmosphère oppressante autour d’un innocent présumé coupable.

Plusieurs points peuvent être mis en réflexion, par analogie.

Nous évoquerons, en premier lieu, les problèmes posés en psychologie addictologique par le secret médical. Le praticien est, en principe, comme le père Logan, tenu au silence sur ce qu’il voit ou entend. La confiance à établir entre le patient et un soignant réside précisément dans la confidentialité des échanges. Ce principe peut soulever des questions éthiques qui ébranlent la sacro-sainte loi du silence. Il existe, au moins, deux niveaux de difficulté. La première concerne l’aide à apporter au patient. Dans le contexte qu’il décrit, est-il possible de lui proposer un soin, si les conditions ne sont pas réunies ? A un degré de plus, comment respecter la loi du silence, si les propos rapportés manifestent à l’évidence que des enfants subissent une maltraitance du fait de l’alcoolisme, de l’ambiance familiale et des actes associés?

Dans les cas moyennement graves mais cependant très préoccupants, le praticien peut et devrait, conformément à son éthique, rompre le silence par une attestation remise au consultant. Ce document peut représenter une aide pour faire évoluer la situation dans un sens qui permette au consultant de se soigner. La première réponse à une souffrance est de l’entendre explicitement. L’attestation conduit, naturellement, si le patient-plaignant s’en sert à des fins légales, à provoquer une enquête sociale qui débouche sur une clarification opérée en principe par la Justice. Une attestation à prendre en compte les allégations, en citant les propos entre guillemets. Une difficulté est représentée par la conclusion que tire le soignant des affirmations consignées. Après avoir recueilli, mot à mot, les dires, il semble logique de terminer l’attestation par une opinion qui engage le praticien, sous réserve de l’exactitude des propos retranscrits, opération qui revient à l’enquête sociale et, si besoin, à la Justice.

Si nous vivions dans un monde gouverné par le bon sens, le soignant devrait pouvoir s’exprimer en conscience et en liberté. Malheureusement, il n’en est pas ainsi. Les personnes incommodées par le contenu de l’attestation peuvent s’ériger en victimes puis en persécutrices. Inversement, il peut être reproché son silence au soignant. Un praticien consciencieux peut se retrouver en position d’accusé, officiellement pour des raisons de forme, en réalité pour des questions de fond : il a volontairement donné un coup de pied dans la fourmilière. Outre le risque de faire l’objet d’une plainte par une présumée victime, le soignant, présumé coupable, du fait de la plainte, peut faire l’objet de manœuvres de harcèlement, de chantage ou de menace ou plus prosaïquement de demandes d’argent à des fins de « réparation ».

La tâche du soignant est apparemment plus facile quand sont relatées des situations d’abus sexuel persistant ou d’absence de mesure de protection des enfants. De nos jours, la présomption d’innocence s’est inversée. Un praticien de l’acabit du père Logan peut être aspiré dans un imbroglio où dominent les manipulations de proches pervers ou du patient lui-même, comme c’est le cas de l’abbé Logan.

La loi du silence se vérifie aussi dans l’obligation de réserve des fonctionnaires, même quand leur expérience du terrain leur donne la conviction que les directives sont absurdes, de pure forme, inefficaces voire nuisibles. La liberté d’opinion et d’expression n’est pas meilleure dans la « libre entreprise ».

La loi du silence est terrible dans les familles fermées sur elles-mêmes, où l’image sociale l’emporte sur toute autre considération.

A un niveau plus large, la liberté d’expression est mise à mal. Un PDG de Google*** a pu déclarer : « Si vous n’avez rien à cacher, vous n’avez rien à craindre ». A cela, un lanceur d’alerte, obligé de se cacher aujourd’hui, Edouard Snowden, a dit aux propos de cette évidence : « C’est comme affirmer que votre liberté vous importe peu car vous n’avez rien à dire ».

C’est, à l’évidence ce que voudrait obtenir ceux qui nous dirigent : nous entendre dire ce qu’ils souhaitent, nous autoriser à parler pour ne rien dire ou à nous taire si nos remarques dérangent leur tranquillité.

Sur un autre plan, le film d’Hitchcock montre un pervers en action. Otto, le domestique, prémédite son crime. Il se déguise en prêtre. Il a la fourberie de laisser quelques billets dans le coffret où il a puisé l’argent pour camoufler le vol. Il allègue comme motif la pénibilité du travail de son épouse. En réalité, la tâche d’Alma n’a rien d’humiliant ni d’insupportable. Il manipule le prêtre qu’il sait tenu par le secret de la confession, en exigeant le pardon de celui qu’il a le projet de transformer en coupable muet.

Le film est donc particulièrement noir, comme les rues obscures de la ville. Il n’est pas très flatteur pour la jeune femme. Elle ne dédaignerait pas d’entamer une liaison avec son ancien amoureux, pourtant voué au célibat. Sans attendre son retour, elle a fait le choix de se laisser épouser par un homme riche, non sans avoir signifié à ce dernier qu’elle ne l’aimait pas. Quant à l’inspecteur Larrue, sa perspicacité est mise à mal par des détails auxquels il a donné une interprétation erronée. Il ne peut empêcher, de ce fait les derniers meurtres d’Otto, en commençant par sa femme qu’il déclarait tant aimer, quand il se croit démasqué

Logan agit instinctivement à partir de ses principes comme celle qu’il aime encore se donne le droit d’agir au nom de ses sentiments. Il ne se donne pas le temps de réfléchir.

Comment faire quand la critique constructive ne suscite pas d’écho ? Comment prendre le risque de la parole quand la répression menace celles et ceux qui prennent le risque de rompre le silence ? De quelle liberté disposons-nous quand la Police de la pensée sévit, propageant les rumeurs et encourageant les manipulations ?

***Cahiers d’Utopia, n°234, février-Mars 2017, en référence à « Nothing to hide ».

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La Toile de l’araignée (The cobweb)

Réalisation : Vincente Minnelli

 Scénario : John Paxton

Date : 1955 / USA

Durée : 134mn

Acteurs principaux : Richard Widmark (Dr Stewart Mc Iver), Charles Boyer (Dr Douglas Devanal), Gloria Grahame (Karen McIver), Lauren Bacall (Meg Rinehart), Lilian Gish (Victoria Inch), John Kerr (Steven Holte)

A/SA

Mots clés : Psychiatrie – Alcoolisme – Soin – Alliance (thérapeutique) − Manipulation

 

 

 

Avec « La  toile d’araignée », Vincente Minnelli dessine la trame complexe des relations au sein du microcosme constitué par une institution psychiatrique. Sont exposés avec pertinence les intrications de conceptions opposées du soin psychiatrique, celles des souffrances mentales et des passions amoureuses, les antagonismes de pouvoir, les difficultés de dialogue, en dépit de l’intelligence et de la sensibilité affective des protagonistes. Le film mérite d’être vu et revu par les différentes catégories d’acteurs mis en jeu dans tout microcosme. Il les aidera à prendre du recul par rapport à leurs pratiques relationnelles respectives et aux conséquences possibles d’actes insuffisamment réfléchis. Le message final de l’histoire est plutôt optimiste.

Le mélange des genres

 La première séquence du film annonce le mélange des genres qui fera la trame de l’histoire : une jeune femme prend en stop un très jeune résident de l’établissement psychiatrique du docteur McIver, dont elle est l’épouse. Ce psychiatre se consacre entièrement à son travail. Contrairement à une tradition psychiatrique privilégiant enfermement et médicaments, il s’appuie sur la créativité et l’autonomie des patients pour favoriser leur évolution vers l’équilibre mental et une disponibilité affective épanouissante. En agissant de la sorte, il néglige, de fait, son épouse. En dépit de leur deux enfants, leur relation s’est distendue. Le sentiment de ne plus être désirée et son désoeuvrement relatif va conduire la jeune femme à prendre des initiatives. Elle se laisse approcher par le directeur en titre de l’établissement, un séducteur, velléitaire et alcoolique. Elle prend aussi l’initiative de décorer le grand salon de convivialité fréquenté par les malades par des rideaux muraux.

Les tentures de cette pièce vont cristaliser les antagonismes, la toile d’araignée dans laquelle se perdront les personnages. C’est sur ce détail d’aménagement intérieur qu’intervient l’intendante, Miss Inch, sorte de gardienne du temple, jalouse de ses prérogatives. Une autre source de conflit apparait : les malades, encouragés par une animatrice, Meg Rinehart, se sont donnés le projet de décorer eux-mêmes la pièce de convialité par leurs peintures.

Le jeune homme initialement rencontré, Steven, patient suivi par le Docteur McIver, est l’acteur principal de cette initiative. Lors de la première rencontre, ce garçon intelligent définit avec humour la différence entre les patients et les médecins : seuls les premiers guérissent. En dépit de ses difficultés mentales, attribuées au comportement passé de son père, Steve progresse en concrétisant sa créativité. Il accroît la confiance qu’il se fait et développe sur ses capacités d’empathie.

Les relations humaines étant ce qu’elles sont, un engrenage dramatique va se développer mettant en valeur les failles des uns et des autres, celles des médecins en premier lieu. Ce commentaire n’en dira pas plus. La confrontation directe avec le film permettra aux membres d’un atelier cinéma d’effectuer les projections individuelles, d’entrevoir les analogies à l’œuvre dans le soin psychique actuel et, au-delà, dans toutes les institutions.

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L’ami, François d’Assise et ses frères

Réalisation : Renaud Fély, Arnaud Louvet

Scénario et dialogues : Arnaud Louvet, Renaud Fély, Julien Peyr

Date : 2016 / F

Durée : 87 mn

Acteurs principaux : Jérémie Renier (Elie de Cortone), Elio Germano (François d’Assise), Olivier Gourmet (Cardinal Hugolin), Thomas Doret (Etienne), Alba Rohrwacher (Claire Offreduccio)

SA/HA

Mots clés : Pauvreté – Spiritualité − Compromis – Ecologie − Amitié

Prendre l’option, en 2016, d’évoquer la vie de François d’Assise, est original.

On se doute que le financement et la commercialisation de ce film, assuré d’une faible audience, n’a pas du être simple, tout comme ne l’avait pas été le « Pôle emploi ne quittez pas » de Nora Philippe. L’obstination aboutit parfois à un bon résultat. Le scénario respecte les grandes lignes de la biographie de François d’Assise, au commencement de sa communauté.

Pour l’essentiel, François a été le fils ainé d’un riche marchand drapier et d’une jeune femme de la noblesse provençale. Après une prime jeunesse festive, alors qu’il était destiné à prendre la suite des affaires familiales, il fut visité par la foi et une passion pour les plus pauvres. Déshérité par son père, dont il distribuait généreusement la fortune, il créa assez rapidement une communauté de « frères ». Une jeune aristocrate, prénommée Claire, créa en parallèle un ordre pour des religieuses, les futures « Clarisses ». La reconnaissance des « petits frères des pauvres » par l’Eglise n’alla pas de soi. Une première Règle, établie par François, fut rejetée, jugée trop extrême, « bonne à jeter aux cochons », selon le mot d’un prélat. François refusait toute organisation du mouvement qu’il avait suscité. Pour lui, seul comptait le service aux pauvres et l’énonciation publique de la Foi, de l’Espérance et de la Charité. Une seconde Règle, conforme aux souhaits de la hiérarchie ecclésiastique, fut établie puis adoptée sous l’action d’un disciple et ami de François, Elie de Cortone. François avait abandonné la Direction de son Ordre. Moins de deux ans après sa mort, François d’Assise était canonisé…

Le film a bénéficié des décors naturels des Corbières, de la Provence et de l’Ombrie, région originaire de François. Il met en scène plusieurs types de confrontations. A l’intérieur de la petite communauté charismatique initiale, tout d’abord. Il montre également les tensions entre les conceptions de François et celles de l’Eglise. Il vaut surtout par l’opposition qui s’établit entre Francois et son meilleur ami, Elie de Cortone, sur la nécessité et les modalités de pérennisation du mouvement qui se développait.

 Le compromis séculier

 L’Ami peut donner lieu à une réflexion sur plusieurs sujets d’actualité permanente. Nous avons choisi d’en distinguer cinq :

- la pauvreté,

- les compromis,

- l’écologie,

- l’amitié,

- la spiritualité.

La pauvreté a existé et existera de tout temps. Elle posera toujours un probléme politique. Elle justifie un débat dans le domaine même du soin psychique et de l’alcoologie. Nous pouvons, à juste titre, estimer inacceptable et combattre l’absence de couverture sociale pour le soin psychique en dehors du cadre de la psychiatrie. Nous pouvons, de même, mettre en question le principe de l’assistanat appliqué à l’accompagnement alcoologique et addictologique. Il existe une contradiction entre le fait de s’appauvrir, à tout point de vue, par l’usage de drogues − y compris l’alcool – et d’être dispensé de toute participation financière pour prendre la mesure de dépendances ruineuses. La pauvreté n’est pas une maladie génétique irréversible. Il appartient à chacun d’entre nous de la combattre, en premier lieu pour soi, dans tous ses aspects, notament intellectuels, affectifs et éthiques, sans faire de fixation aliénante sur sa capacité à posséder, paraître, consommer. Dans un pays soumis à un impôt équitable, proportionnel au Revenu, la pauvreté est prise en compte par la Loi. Les besoins non directement satisfaits par elle doivent pouvoir trouver des réponses complémentaires par des donations, elles mêmes encadrées par la Loi. La mendicité peut être vécue, de nos jours et dans nos pays, comme une aggression et une critique du Pouvoir institué, alors qu’elle s’imposait comme une nécessité à une époque où il n’existait aucune protection sociale.

La pérennité d’un mouvement de nature spirituelle ou intellectuelle pose le problème de sa sécularisation. Comment une innovation − dés lors qu’elle n’épouse pas les intérêts financiers de ceux qui détiennent le pouvoir − a-t-elle la possibilité d’être reconnue, encouragée et développée, quand son utilité sociale ne fait guère de doute pour la fraction éclairée qu’elle concerne au premier chef ? Certes, le penser-conforme et le déni social exercé masquent-ils la perception même de l’innovation. Simultanément, des besoins objectivement nuisibles sont exaltés, des impostures sont constituées en normes opposables. L’innovation ne comportant pas de retour immédiat sur investissement dérange les habitudes et l’Ordre établi. Le Nouveau peut d’ailleurs refléter un retour à des sources plus ou moins négligées ou abandonnées. C’est ce qu’évoque, à sa manière, l’histoire de François. Sauf que l’intransigeant et néanmoins inspiré religieux établit une équivalence entre pauvreté matérielle affective et spirituelle. Son ami, Elie de Cortone, a admis la nécessité de trouver des compromis avec l’Institution pour que leur histoire continue. La double injonction « ni périr ni trahir » appartient à tout mouvement nouveau. Quelles concessions est-il possible de faire pour péreniser l’action sans la dénaturer ? Il existe toujours chez les continuateurs la tentation de se conformer aux usages établis, de banaliser ce qu’ils n’ont pas vraiment compris et de s’installer dans une forme de routine. Il se conçoit que le Pouvoir en place ait le souci de récupérer, dans ce qui est neuf, les éléments susceptibles d’assoir sa continuité et se débarrassant, du même coup, d’une source de déstabilisation. Le dilemme d’Elie de Cortone est douloureux, et fréquent dans la vie commune : que doit-on préserver, qu’est-il possible de retrancher ou d’ajouter, sans que l’essentiel ne soit dénaturé ? Au-delà des rapports de force, il serait indispensable, entre personnes de bonne volonté, même si la sensibilité et les intérêts divergent, de trouver des compromis qui laissent l’avenir ouvert. Ce n’est pas une bonne politique que les forts écrasent les faibles et que l’arbitraire l’emporte sur le dialogue. La connaissance des microscosmes montre cependant que la raison d’être, le bon sens et l’amitié supposée s’effacent devant les positions de pouvoir. Le carriérisme comble aisément les ambitions moyennes.

Transformer François en écologiste de la première heure est un contresens moderne. Il n’avait pas la moindre idée de ce que pouvait être une civilisation industrielle et de ses nuisances, n’ayant comme référence que la prospérité marchande de son père, au début des années 1200. En revanche, il aimait les animaux, comme appartenant à la Création, et il admirait la Nature. Le film le montre à plusieurs reprises, assis, face au ciel étoilé, équivalent de contemplation que n’eut pas désavoué un Spinoza ou un poète. Le film ne relate pas l’épisode légendaire du loup qu’il apprivoisa devant les portes de Gubbio, au point d’en faire un animal de compagnie pour ses habitants. Dommage ! Cette légende tranche avec la diabolisation durable, de cette bête par la Sainte Eglise, peu regardante sur l’usage de la superstition. En apprivoisant le loup redouté, François incarne la force de l’Esprit sur les pulsions. L’alcoologie donne l’occasion de vérifier le pouvoir de changement de la parole sans préjugés, avec l’avance de la bienveillance, l’utilité possible du Surmoi dans la maitrise des pulsions et compulsions.

L’amitié est davantage vécue par Elie pour François, que l’inverse. Le Saint est indisponible pour ce genre de sentiment trop exclusif. Les frères sont une communauté peu différenciée, soudée par un fondamentalisme sourcilleux, intolérant et fermé. Elie apparaît comme un homme de Foi et de Raison. Il aime François, comme « une mère », pour son attachement passionné aux principes évangéliques et sa fragilité. Il a plus de sens pratique et d’humanité concrète que François, le mystique. Il sauve la vie d’un bébé, qu’il baptise Etienne. Plus tard, ce dernier deviendra « frère » à son tour, en toute liberté. Elie s’attire les foudres de la communauté quand il s’emploie à cultiver de la terre pour donner à manger aux pauvres. Elie sait qu’il y a un prix à payer pour que l’Ordre soit reconnu et qu’il perdure. Sa rigueur intellectuelle est-elle balayée par les impératifs du compromis, au moment décisif de l’élagage de la Règle ? Le Saint d’Assise s’est refusé à se comporter en politique. Dès lors, Elie fait ce que celui qu’il admire s’est refusé à faire. « L’ami » manque ensuite se suicider par défenestration, à l’exemple de Judas, tellement il vit un malaise. Olivier Gourmet campe un Cardinal Hugolin doublement acquis à l’esprit insufflé par François et à la nécessité d’être « réaliste ». Il accompagne par la lecture Elie, le rescapé, pour l’aider à surmonter les conséquences de sa solitude décisionnaire. L’alcoologie donne lieu à de nombreuses relations à caractère amical, qui respecte la liberté de chacun. Il est des choix délicats quand un intérêt particulier s’oppose à l’intérêt général ou quand les limites de l’action se manifestent, face à un patient qui se met en position de danger.

Le dernier point soulevé par l’histoire de François est, évidemment, la spiritualité. Les incroyants ne savent pas trop comment la définir et les croyants la travestissent habituellement en morale, aussi formelle que culpabilisante. François donne des réponses : les oiseaux gracieux qui se posent sur son épaule ou picorent dans sa main, le loup tranformé par la douceur et la parole, la majesté éblouissante d’une nuit étoilée, l’harmonie de la nature, l’élan qui renverse les peurs et les préjugés, l’intérêt porté à l’autre, le mépris pour l’enrichissement matériel et les honneurs, l’acceptation d’un mort qui vient à son heure. L’ensemble donne de la joie. Elie ajouterait le sens de l’organisation et du compromis. Et les fourmis, le sens de la besogne et de la constance.

Le tout aussi se vit dans l’accompagnement psy-alcoologique qui est à l’envers de l’enfermement communautaire.

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