AREA 31 AREA 31 AREA 31
  • Accueil
    • Actualités
  • Association
    • Qu’est-ce que l’AREA ?
    • De l'AREA au C3A
    • Henri Gomez
    • Pourquoi adhérer ?
    • Etudiants
  • Méthode de soin
    • L'offre de soin et le sevrage
    • L'aide aux familles
    • Les psychothérapies individuelles
    • L’hospitalisation brève
  • Réunions et ateliers
    • Thèmes du Lundi
    • Les groupes de parole
    • L'atelier cinéma
    • L'atelier de relations interpersonnelles
    • Recherche en alcoologie
    • Conférences
  • Librairie et cinéma
    • La librairie
    • Les fiches cinéma
    • Les fiches livres
  • Videos
  • Contact
    • Formulaire de contact
    • Plan d'accès AREA et C3A
  • Partenaires

Les fiches cinéma

BAC Nord

Réalisation : Cédric Jimenez

Scénario : Cédric Jimenez, Audrey Diwan

Date : 2020

Durée : 104 mn

Acteurs principaux :

François Civil : Le policier « contact »

Gilles Lellouche : Grégory, le brigadier-chef

Karim Leklou : Yassim, le second brigadier

Adèle Exarchopoulos : Nora, l’épouse de ce dernier

Kenza Fortas : Amel, l’indic

Cyril Lecomte : le chef de la BAC Nord

bacnord

Le propre d’une intrigue policière et d’un film d’action est d’être riche en péripéties. Nous copions la relation fidèle et parfaite de l’histoire proposée par Wikipédia. 

L’autre intérêt de cette fiche est de fournir une base de réflexion quant aux addictions qui font vivre les « Cités » et de fournir quelques pistes de réflexion.

Soulignons la qualité du film et celle du jeu de tous les acteurs.

En 2012 à Marseille, une des régions aux plus hauts taux de criminalité de France, Grégory (« Greg »), Yassine (« Yass ») et Antoine sont des agents de la BAC Nord. La compagne de Yassine, Nora, est enceinte. Le trio, notamment Greg, a perdu toute illusion sur l'utilité de son travail, et se sent peu soutenu par la hiérarchie.

Au cours d'une intervention, l'équipage pourchasse un suspect qui se réfugie dans une cité, tenue par les caïds qui y font la loi. Ils se retrouvent forcés de reculer face à leurs provocations car la hiérarchie refuse tout incident. Humilié, Greg se plaint à son supérieur, le capitaine Jérôme Bodin, qui lui propose de démanteler un grand réseau de trafic de drogue dans ce même quartier, afin de satisfaire le préfet.

Dans ce but, Antoine fait appel à son indic, une très jeune femme prénommée Amel. Cette dernière accepte de lui communiquer des informations. Compte tenu des risques pour sa vie, elle réclame cinq kilos de résine de cannabis d'une autre provenance que celle du quartier, afin d'éviter de se faire repérer. Le trio pense à utiliser de la résine déjà saisie et destinée à la destruction, mais cela leur est refusé. Ils doivent se débrouiller seuls pour en obtenir, la hiérarchie, en la personne du capitaine Bodin, ne veut pas transiger. Elle ne veut rien savoir sur les conditions de l’information. Plusieurs nuits consécutives, les trois policiers se mettent alors à la récolte du cannabis auprès de clients d’un autre quartier pris sur le fait, ce qui provoque une altercation violente avec le dealer local.

Le trio est alors « grillé » dans ce quartier. Quand un autre groupe de la BAC Nord — dans lequel se trouve l’agent Jacques — a besoin de leur aide pour les dégager, ils ne peuvent participer à l’intervention. Après une remontrance, Greg confie à Jacques qu'il doit saisir du cannabis pour sa future opération. Le capitaine Jérôme leur ordonne de faire ces saisies ensemble dans le centre-ville.

Les cinq kilos sont récoltés et garantis à Amel qui donne l'information promise : un paquet livré par un véhicule jaune doit les mener à une « nourrice ». Il suffit de ne pas perdre la sacoche des yeux. L'opération est mise en place avec l'intégralité de la BAC Nord et approuvée par la hiérarchie. Yass parvient à localiser la planque, mais il est pris au piège dans les étages supérieurs d'un immeuble de la cité. Il trouve refuge dans un appartement habité par une mère maghrébine et son fils adolescent, qui veut alerter ses amis dealers du quartier ; l’adolescent, effrayé, blesse Yass au couteau. Dehors, la situation dégénère fortement : Greg, Antoine et les autres policiers de la BAC tiennent en joue une bande incontrôlable qui dispose de fusils d'assaut AKM (Kalachnikov).

La situation devient incontrôlable, de violents échanges de tirs se produisent. La BAC finit par prendre le dessus, sauver Yass, arrêter les dealers et récupérer le cannabis, et enfin s'extraire de la cité sans bavure. Les héros ont frôlé la mort, mais le démantèlement est un succès, fêté par l’ensemble de la BAC Nord. Antoine fournit, comme promis, les cinq kilos de cannabis à Amel, en lui promettant qu'elle ne risque rien. Tout semble devoir bien se terminer.

C’est alors que l'IGPN (la police des polices) arrête Greg, Antoine et Yass pour trafic en bande organisée : Yass se défend en affirmant avoir réalisé une simple « collecte » sans en tirer le moindre profit. 

Greg prend violemment à partie l'agent de l'IGPN, disant avoir agi sur ordre de son supérieur Jérôme, lequel va nier en bloc, face à la Juge. Il répète en vain que ce cannabis a uniquement servi à être échangé contre une information essentielle. Antoine, ayant promis à Amel qu'elle serait protégée, ne révèle pas son identité. Il reconnait une consommation personnelle. Greg, Yass et Antoine sont mis en détention provisoire à la prison des Baumettes.

Le sort du trio repose désormais sur Antoine : Nora informe Yass que personne à la BAC ne prendra un risque pour les aider, leur seule option de sortie est de révéler l'identité d'Amel pour prouver leurs déclarations. Au fil des semaines, la santé mentale de Greg vacille, aussi Yass finit par convaincre Antoine qui, à contre-cœur et sans aucun autre choix, finit par accepter et livre Amel à la police.

Épilogue : le trio est finalement jugé pour ses écarts mais sort de prison car le chef d'accusation le plus grave — le trafic de drogue en bande organisée — est abandonné. Yass reste dans la police en se syndiquant, Antoine se reconvertit en infirmier pénitentiaire et Greg, radié de la police, devient agent municipal.

Vive le néolibéralisme ! 

On peut éprouver un sentiment de compassion sincère pour ces policiers, ces dealers et les populations captives. A quels jeux dangereux les fait-on jouer ? Ces parodies en vrai des gendarmes et des voleurs a de quoi révolter. Sur quelles bases, la Police des polices intervient-elle ? Un préfet serait-t-il capable de donner un ordre d’expédition médiatique et faire condamner ensuite ceux qu’il a envoyés en mission ?

À un moment, le véhicule des policiers capture un jeune qui les abreuve d’injures. Une musique de rap agressive se fait entendre et tous, policiers compris, reprennent en cœur les insultes proférées, en rigolant de désespoir et de colère. La jeune indic est bien sympathique, autant qu’Antoine, mal placé pour s’opposer à elle, vu qu’il consomme comme elle.

Notons qu’il ne s’agit là, apparemment, que de cannabis. Pourquoi n’est-il pas légalisé, alors que le tabac et l’alcool le sont ? Pourquoi cet ostracisme de faux jeton ? N’est-ce pas pour obtenir la paix sociale des Cités. Quelles sont les possibilités pour les enfants et les familles qui y vivent et qui souffrent de ce climat de terreur. Comment ne pas voir que cette désespérance est la source de l’islamisme ?

Le néolibéralisme se sert depuis longtemps et de plus en plus visiblement de l’Etat contre les populations. Rien ne doit entraver le Marché, la libre circulation des biens et des personnes. L’Etat et ses médias sont là pour contrôler l’Opinion. Le néolibéralisme, dans sa grande prévoyance, a pris soin d’ajouter aux superstructures étatiques, des superstructures supra-étatiques, telles que la Commission européenne, la Chambre Internationale de Commerce et des structures imposant le Droit supranational au Droit national. Par définition, ces institutions sont hors de portée du vote démocratique. Quand, par hasard, un peuple parvient à exprimer son refus à un référendum d’acquiescement malencontreusement proposé  par le Pouvoir, il reste à celui la possibilité illégale de solliciter sa majorité parlementaire pour qu’elle corrige « l’erreur démocratique ».

L’immigration a pris une fonctionnalité politique. Elle sert à affaiblir et à épuiser l’Etat social, à casser toute résistance, à mettre à mal les EtatsNations. Le néolibéralisme actuel ne s’est pas aligné sur l’Ecole de Chicago et de son chantre Milton Friedman. Il a intégré les messages des penseurs de la société du Mont Pèlerin, d’Hayek et de ses distingués amis, dont l’éminent ex-nazi, Carl Schmitt. Ce groupe d’intellectuels illustre ce qui a été appelé l’école de Genève. Il faut lire l’ouvrage de Quinn Slobodian « Les globalistes » (Seuil, 2022). Il est édifiant. Pour l’auteur : « Les intellectuels de l’école de Chicago ont fait preuve de cette qualité si typiquement américaine d’ignorer le reste du monde, tout en supposant que l’Amérique en était le modèle ». Cette croyance nord-américaine est, hélas, partagée par nombre de nos représentants politiques et de nos concitoyens, particulièrement ceux des beaux-quartiers de la Capitale et des grandes villes, par ceux que l’on appelle vulgairement l’élite. Les néo-libéraux de l’école de Genève, à la différence de ceux de l’école de Chicago, ne sont pas opposés aux superstructures. Ils s’en servent pour servir les intérêts financiers apatrides. Ils s’en servent contre les populations. Leur principale préoccupation est d’en faire des consommateurs. 

C’est la raison pour laquelle, je n’aime pas, mais alors pas du tout, l’élite acquise au néolibéralisme. Je dois dire qu’à mon modeste échelon, elle me le rend bien. Vous pouvez compter sur eux pour entretenir le commerce de drogues illicites et encourager le commerce de drogues légales. C’est également pourquoi j’accueille gentiment les dealers qui sortent de taule et je ferai de même pour les policiers sortis de prison ayant les problèmes de BAC Nord. Je pense qu’ils ont des circuits différents du mien. J’accueille, j’écoute et j’explique.

El Reino (Le royaume)

Réalisation  : Rodrigo Sorogoyen

Scénario   : Rodrigo Sorogoyen – Isabal Peña

Date :  2018

 

Durée  : 132 mn   

Acteurs principaux :           

Antonio de la Torre : Manuel, le héros

 

Monica Lopez : Inès, l’épouse

Josep Maria Pou  : le politicien malade

Barbara Lennie  : la journaliste

  

SA  

  

Mots clés : Corruption – politique – justification – journalisme – mensonge

elreino

Ciné españa 2022 vient de proposer El Reino, sorti au début du confinement, ce qui permet de disposer du DVD aujourd’hui. C’est un film sur la corruption politique au sein d’une démocratie, en l’occurrence l’espagnole toute proche. Le réalisateur prend le parti d’une mise en scène saccadée qui traduit l’affolement progressif de politiciens dont les pratiques éminemment malhonnêtes risquent forts d’être rendues publiques, ruinant leur réputation et les menaçant de sanctions judiciaires.

L’Espagne est un pays frontalier. Les Pyrénées nous protègent mal de ces mœurs inavouables, à moins que ce ne soit le contraire, si l’on imagine que la contagion puisse venir de notre démocratie exemplaire. Encore que les chaînes de montagnes soient sans effet de protection à l’heure du libéralisme mondialisé. 

Il n’y a aucun humour dans ce thriller politique, ce qui autorise celui du spectateur. La fin est très réussie. Le héros du film, une élégante et combative crapule, est décidé à ruiner le parti qui l’a abandonné comme bouc émissaire. Il choisit le scandale, comme défense, en faisant connaître des carnets informant des magouilles financières qui ont permis le rayonnement du Parti et la prospérité de ses dirigeants. Il n’était qu’un comparse qui n’a fait que reprendre des pratiques bien établies.

Le film a un côté très moral. Les parvenus festoient sur un yacht et notre héros encore à l’abri de la tempête se voit offrir une montre à faire pâlir d’envie les propriétaires de montres Rolex. Quel dommage de ne pas avoir plusieurs poignets pour connaître plus facilement l’heure et plusieurs tubes digestifs pour se gaver plus. Ce genre de clichés n’est pas encore démodé. Ils donnent à penser aux pauvres qu’ils sont plus vertueux.

On remarque que l’argument pour justifier ses forfaits ou ses crimes, comme dans La Loi de Téhéran, est l’amour de la famille, le confort des siens. Sans doute, cette fièvre du pouvoir et de l’argent a-t-elle quelques inconvénients comme celui de permettre à la fille du trésorier du Parti d’organiser une « fête » à la cocaïne et à l’alcool dans la luxueuse villa secondaire en Andorre. Elle est mineure mais déjà très adaptée aux mœurs. 

La plus belle scène du film est donc la dernière : le face à face entre notre héros et la journaliste de télé. Elle anime une émission à forte audience où il est de bon ton de dénoncer des scandales, excellents pour la bonne conscience et la digestion des spectateurs. Manuel, c’est le nom de notre magouilleur devenu justicier, a déposé les carnets dénonciateurs du trésorier du Parti sur le plateau télé, devant la journaliste. Le problème, c’est que le monde politique, les milieux médiatiques et le pouvoir financier sont solidaires et qu’un arrangement malhonnête en cache un autre et que cet autre en cache un autre… Éviter le scandale devient un impératif qui justifie des meurtres camouflés en accidents de voiture. Les malversations pour le Parti sont indissociables des détournements privés des instigateurs. La journaliste, bourrée de talent oratoire, donne dans la morale pour ne pas divulguer ce qui dérangerait les patrons de sa chaîne et mettrait fin à sa propre carrière. Elle se bat pour la morale publique, vent dans le dos. Les scènes savoureuses ne manquent pas lors des rencontres entre les amis de Parti. Le film donne une information : cacher l’argent malhonnête en Suisse, c’est ringard.

À noter un résumé détaillé de ce thriller haletant par Wikipédia.

Les addictions de notre modernité

Les personnes alcooliques doivent prendre conscience que l’addiction au pouvoir et à l’argent mène le monde, plus encore que leur addiction presque désuète face aux drogues de notre modernité triomphante. 

Le film rend un hommage particulier à la coke des milieux branchés.

Une jeune fille qui va bien

Scénario et réalisation :  Sandrine Kiberlain

Date : 2021

Durée : 98 mn

Acteurs principaux :

Rebecca Marder : Irène, la jeune-fille

Anthony Bajon : Igor, son frère

Cyril Metzger : Jacques, son amoureux

André Marcon : André, le père

Françoise Widhoff, Marceline, la grandmère

Indian Hair : Viviane, l’amie

SA

Mots clés : Occupation – antisémitisme – jeune-fille – judéité - famille

unejeunefille

C’est l’histoire d’une jolie et gracieuse jeune fille juive qui a 19 ans, alors que Paris est occupé par l’Allemagne d’Hitler. Elle prépare avec d’autres jeunes gens le concours d’entrée au Conservatoire pour entreprendre une carrière théâtrale. Les premières scènes de répétition correspondent à une pièce de Marivaux, L’épreuve. 

Rebecca a la vivacité d’une jeune fille de son âge. Elle a un frère, un bon frère, Igor, étudiant besogneux, amoureux transi, qui joue de la flûte traversière dans un orchestre amateur. Elle vit une sympathique complicité avec une grand-mère d’esprit manifestement indépendant. Cette dernière a fumé du tabac et il n’est pas certain qu’elle ne fume pas en cachette, de temps à autre. Irène s’entend également très bien avec son père, André, qui fait bouillir la marmite par un emploi administratif à responsabilité. Il amène des dossiers chez lui. Elle le rejoint régulièrement sur un banc public pour un moment d’échange. Elle a des amies, des amis.

Le spectateur suppose que sa mère est morte depuis un moment. 

Il est temps pour Irène de tomber amoureuse, ce qui ne manque pas d’arriver. Son autre préoccupation est d’être admise au Conservatoire. Elle mobilise toute la famille et une amie à cet effet.

Mais voilà, la France est occupée, c’est la Collaboration et les discriminations infamantes se succèdent : la carte d’identité est tamponnée en rouge du mot « Juif ». Les radios, les moyens de communication et les véhicules, vélos compris, sont confisqués. L’étoile jaune doit être portée visiblement sur la veste ou le manteau…  Cependant, Irène continue sa vie de jeune fille qui va bien.

Cherchons l’erreur

Ce film, réalisé avec délicatesse par Sandrine Kiberlain peut et doit faire réfléchir. L’Histoire ne pouvait-elle que s’écrire ainsi ? Il est facile de refaire l’Histoire, cependant, nous pouvons nous interroger sur la passivité des uns et des autres. 

La France, notre pays, venait de prendre une « dérouillée ». Elle était stupidement en retard d’une guerre avec sa ligne Maginot qui laissait passer au nord, via la Belgique, les blindés et l’infanterie, pendant que l’aviation pouvait larguer bombes, parachuter des soldats et mitrailler les civils sur les routes de la Débâcle. Dans ce genre de situation, le déni de ses propres errements se complète souvent de la recherche d’un bouc émissaire. 

Les juifs ne pouvaient être regardés de haut car nombre d’entre eux se signalaient par des talents hors du commun que ce soit dans le domaine musical, littéraire ou scientifique. Il y avait des juifs pauvres et modestes mais une partie de la population faisait une fixation sur les fortunes juives constituées dans le secteur des affaires. Le Front populaire, source d’avancées sociales aussi considérables que les Congés payés et la Semaine des 40 heures étaient le fait d’un premier ministre juif, Léon Blum, ce qui ne pouvait satisfaire la bourgeoisie, grande, petite et moyenne, conservatrice et envieuse.

Le sentiment anti-juif était entretenu par une partie de l’Eglise catholique pour la raison que le peuple élu de la Bible avait laissé crucifier le Christ.

Il est consternant qu’un Clergé ait pu donner force à la doctrine du peuple déicide. Jésus était juif. Son discours ne pouvait qu’inquiéter le Clergé juif, les saducéens. Il aurait été surprenant qu’il eut une fin différente et, sans cette fin sublimée, l’histoire se serait arrêtée à un fait divers : un rabbin un peu fou, ou du moins hors normes, a eu le sort que ses diatribes égalitaristes et paradoxales méritaient. Un chrétien, par définition, ne peut être antijuif, à moins de graves troubles du discernement, puisque le premier d’entre eux a été un juif, un juif nourri de la culture de son milieu et de son Temps, universaliste au demeurant, non-violent, antihiérarchique, ouvert aux rejetés, dédaigneux du pouvoir et des « biens de ce monde », attentif à l’esprit d’enfance.

La hiérarchie juive a sa part de responsabilité également, comme essaya de le signifier Hannah Arendt à propos des Hongrois. La hiérarchie aurait dû appeler la population juive, pratiquante et non pratiquante, à descendre dans la rue dès la première mesure de discrimination. Elle aurait dû appeler les chrétiens et les laïcs de tout bord à se rassembler pour refuser collectivement le délire de la race supérieure dès ses premières mises en acte. La politique du dos rond était à l’évidence suicidaire face aux nazis. Le choix se situait entre la fuite et la résistance. Si j’avais été juif et célibataire, j’aurais fui (du moins, je l’espère) pour rejoindre de Gaulle et si j’avais eu une famille, j’aurais tenté de rejoindre l’Amérique.

La défaite militaire est une chose. La soumission à une politique de discrimination et d’extermination en est une autre. Il est faux de prétendre que les hiérarchies religieuses et politiques ignoraient ce qui se passait dans l’Allemagne nazie. Les défilés nazis et la Nuit de cristal étaient connus du monde entier. Maints écrits de l’époque relataient l’organisation des camps d’extermination, d’abord contre les malades psychiatriques et les handicapés. Le Vatican savait. 

Une scène pénible de ce film très sobre dans son écriture se passe dans une boulangerie. La grand-mère va chercher du pain. Du pain il y en a plein les rayons et elle entend la boulangère lui dire qu’il n’y a pas de pain. Les clients silencieux ne disent rien. Ils continuent d’attendre leur tour. De mon point de vue, il y avait deux attitudes possibles pour un non-juif, soit interpeler la commerçante et faire un scandale, soit courir après la grandmère donner son pain et lui dire sa honte en pleurant. À cet instant-là, c’est précisément le Christ que la boulangère assassine. Elle est solidaire de la Race supérieure.

La question fondamentale des Temps modernes face à la Shoa a été formulée, après coup, par Pierre Bayard dans son livre : Aurais-je été résistant ou bourreau ? 

Cette question garde toute sa force par le biais de l’analogie. Le « moi » et « ma famille d’abord », le dos rond sont des comportements très compréhensibles en situation de danger ou de restriction alimentaire. Mais justement, l’éthique, chrétienne ou non, intervient dans ces situations-là. Quand tout va bien, elle est moins nécessaire.

La société actuelle pratique le « moi d’abord », « ma famille » ou « ce qu’il en reste d’abord », sans vision d’ensemble, alors que le rouleau compresseur continue d’avancer.

Sans esprit critique, le rouleau compresseur reste invisible ou banalisé. Le dos rond reste l’attitude privilégiée. Chacun dispose confortablement d’un bouc émissaire. Et puis, on n’y peut rien, n’est-ce pas ?

Plus d'articles...

  1. Shutter Island
  2. Le diabolique docteur Mabuse
  3. Godland
  4. Daisy Miller
  5. Fahrenheit 451
Page 21 sur 65
  • Début
  • Précédent
  • 16
  • 17
  • 18
  • 19
  • 20
  • 21
  • 22
  • 23
  • 24
  • 25
  • Suivant
  • Fin

Copyright © 2025 area31.fr - Tous droits réservés - Mentions légales
AREA 31 - Association de Recherche et d'Entraide en Alcoologie, en addictologie et en psychopathologie