28-07-2025
Nombreux ont été, au cours des dernières décennies, les ouvrages de développement personnel autour du thème de l’affirmation de soi. Dans la relation clinique, nous sommes plutôt confrontés à la négation de soi.
Le faux-self constitue une personnalité d’emprunt, conforme à ce que la Société suggère comme normes sociales. Il peut faire écho aux normes prescrites par un ou des proches. Il est pathologique dans la mesure où il ne correspond pas à un système de protection conscient dans sa confrontation avec le regard d’autrui. L’individu tend à penser, à se comporter et à réagir comme cet autre ou comme ce qui est attendu de lui, au point que le soi tend à s’effacer ou ne pas évoluer. Il peut quelquefois déclarer : « Je ne sais pas qui je suis ».
Une personne alcoolique affirme volontiers boire ou vouloir boire « comme tout le monde ». Il y a, souvent, le personnage officiel et la personne privée qui a besoin de boire, seule, pour décompresser, après ses efforts d’adaptation de la journée.
Le Soi est une notion qui ne va d’ailleurs pas de …soi. Nous sommes le produit d’une histoire et de nos interactions, mais encore… Qui sommes-nous ? Le Soi se limite-t-il à ce que nous éprouvons comme émotions, à nos convictions ou à nos incertitudes, à notre Moi, conscient et inconscient ?
Si tel est le cas, comment se manifeste la négation de soi ? Et pourquoi ?
Je ne me permettrai pas de répondre à la place des autres et d’avancer une opinion sur une éventuelle négation de soi entravant la pensée et l’agir de mes interlocuteurs. Chacun doit s’exprimer.
Pour ce qui me concerne, voici le point de synthèse que je peux formuler. J’ai cessé depuis longtemps de dépendre du regard et des opinions d’autrui, quelle qu’en soit la nature. J’essaie de construire mes propres opinions, sans souci d’originalité, en réfléchissant seul et en tirant profit de l’expérience de personne que je crois compétentes et sincères sur la question envisagée. J’ai appris à distinguer mes désirs des réalités, sans pour autant renoncer aux désirs que je crois légitimes. J’accepte de me confronter aux réalités, et de laisser place aux échecs et aux déconvenues. La petite musique stoïcienne - « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer » - me convient tout à fait.
L’essentiel pour moi est de rester fidèle à mes convictions, de préserver des acquis essentiels, en évitant absolument de me raconter des histoires J’ai la capacité relative de m’effacer devant mes objectifs. Pour autant, je n’ai pas la sensation d’être dans la négation de soi. Disons que bien plus souvent que je ne le voudrais, je me sens « empêché ». Je dois alors m’accommoder de ma frustration et passer à autre chose, qui reste dans le registre de ce qui me plait.
Vous évoquerez sans doute des contextes de vie qui vous ont conduits à vous nier comme êtres de sensibilité et de désir. Les maltraitances de l’enfance, par des adultes ou des individus du même âge, induisent des phénomènes de négation de soi par le biais d’une dévalorisation incorporée. Le pouvoir normatif des idéologies ambiantes peut induire des phénomènes analogues. La nécessité de s’adapter peut conduire à l’oubli de devenir soi-même.
Au-delà des cas pathologiques les plus fragrants, de très nombreuses personnes - y compris celles qui souffrent d’addiction ou de dépression - ont la capacité de se défaire des emprises psychologiques incorporées, passées ou persistantes. Le but de l’accompagnement psychothérapique est de les aider à se débarrasser de ce qui les empêche d’être elles-mêmes, tout en disposant de capacités à se protéger des regards qui rabaissent, dévalorisent et incitent à renoncer à être soi.
Avez-vous ressenti la sensation d’être habitée par la « négation de soi » ?
Que pouvez-vous en dire ? Avez-vous la sensation d’être pleinement vous-mêmes, aujourd’hui ?