
08-09-2025
J’essaie de maintenir en phase l’écriture des « Antennes de l’escargot » avec les thématiques proposées au groupe. Le chapitre 2 évoque le sens de l’observation et la place de l’humour. Je n’ai pas encore décidé comment je devais m’y prendre….Comment se fondent nos opinions… en alcoologie ?
De la place que j’occupais, il m’a été facile de comprendre que l’offre de soin – ou si on préfère d’accompagnement – ne convenait pas aux personnes souffrant des conséquences somatiques de leur alcoolisme, essentiellement des cirrhoses du foie et des pancréatites chroniques. Le peu de retours dont je disposais des cures et des postcures de l’époque me dissuadait d’orienter les patients dans cette direction, donc j’étais muet.
Je précise que l’ensemble de ma formation de médecin – y compris d’interne – n’avait pas consacré une minute à la dépendance alcoolique.
Il n’était pas très difficile de comprendre que l’alcool pouvait avoir la valeur d’un symptôme personnel, au-delà des habitudes sociales et culturelles.
Il a suffi que je rencontre des alcooliques qui s’en étaient « sorti » pour établir un mode de prise en charge reposant sur la motivation – à travailler, malgré le déni et les libertés résiduelles laissées par l’alcool – des séjours brefs – aussi dépsychiatrisés que possible – et un accompagnement où les « pairs » auraient un rôle important, par l’expérience et la réflexion qu’ils acceptaient de mettre en commun. J’ai cessé d’être muet.
La difficulté majeure a été que les conditions structurelles d’un accompagnement centré sur la diversité des personnes n’existaient pas. Elles n’existent toujours pas. Nous l’avons créé, fonctionnellement et localement, avec l’association. Le monde a changé. Les addictions se sont diversifiées. Nous n’avons pas cessé d’apprendre.
Comment se fondent nos opinions ? A partir de nos préjugés, puis de leur remise en cause, à partir d’un effort d’observation prolongé et diversifié, donc de l’expérience, et d’un effort de culture générale, tout en prenant en compte ce qui se passe dans la société. De ce point de vue, je suis handicapé par l’emprise du numérique, des médias et des protocoles.
Comment se sont fondées vos opinions en alcoologie ? Comment l’alcoologie a-t-elle fait évoluer vos opinions ?
Quel livre ? Question supplémentaire.
Se pose la question de donner une suite à Ce que nous apprennent les addictions si, toutefois, il y a quelque chose à écrire, qui pourrait modifier tant soit peu le cours des choses.
Il m’est revenu, à plusieurs reprises, la dernière image du « Singe en hiver », d’Henri Verneuil. Jean Gabin a contribué, sans réellement le vouloir, à ce que Jean-Paul Belmondo assume son rôle de père auprès de sa fillette. En récompense, il a bu sur un mode festif, une dernière fois, avec lui. Leur route se sépare. La dernière image montre Gabin, assis de dos sur un quai de gare, attendant une correspondance, pour se rendre sur la tombe de son père. La guerre est finie. Sa vie aussi. Une nouvelle époque commence où il n’aura plus sa place.
Nous atteignons, me semble-t-il, une fin de période, celle d’un équilibre social relatif, pour une période de chaos, de confusion, d’affrontements, de bêtise croisée et synergique, sur fond d’addiction générale (Je reprends un titre du livre d’Isabelle Sorente). Cette situation me semble voulue et, quelque part, orchestrée. Elle correspond, principalement, à la volonté politique de l’élite apatride, avec l’assentiment plus ou moins conscient, d’une partie de la population. Nous méritons beaucoup mieux que ce triste sort mais comment faire pour que les forces vives du pays et notamment sa jeunesse refusent la mise en servitude qui se dessine ?
En quoi un livre peut-il changer quoi que ce soit, à court terme ? À l’époque des influenceurs, des réseaux sociaux, de l’IA, d’un numérique absorbant et règlementant les relations sociales, des médias aux ordres, sans parler d’une surabondance de livres, d’intérêt inégal, à durée de vie très courte ?
Ce que nous apprennent les addictions a suscité très peu d’intérêt identifiable. Comme si son contenu dépassait les capacités cognitives et le désir d’aiguiser l’esprit critique des lecteurs qu’il visait, la population soucieuse de servir l’intérêt général, d’apporter de vraies réponses aux problématiques addictives, de contribuer à susciter une prise de conscience salutaire face à l'anesthésie générale organisée.
Que proposer ? Un abécédaire de concepts utiles ? Un dialogue entre générations avec des jeunes capables d’observations critiques ? Un roman d’inspiration autobiographique ? Quoi d’autre ? Quelles actions associées ?
Qu’en pensez-vous ?